L'ère des remakes/reboots où les femmes reprennent les devants dans des rôles à l'origine tenus par des hommes est en plein boom mais peine souvent à convaincre par la gratuité du procédé. À l'image d'un "Ocean's 8" dont on cherche encore à comprendre la pertinence hormis son casting d'actrices, la volonté forcément féministe que ces films voudraient véhiculer tombent la plupart du temps à l'eau. Néanmoins, dans le lot, "What Men Want" est un projet qui, lui, à des arguments sur le papier pour présenter un certain intérêt comparé à ses confrères. L'original, le très sympathique "Ce que veulent les femmes" (et donc "What Women Want") de Nancy Meyers, mettait en scène Mel Gibson dans le rôle d'un publicitaire machiste se rendant compte de son comportement exécrable après avoir obtenu le pouvoir de lire dans les pensées des femmes. Reprendre l'idée à son compte en 2019 dans une inversion des genres est finalement loin d'être bête et peut, elle, avoir vraiment pas mal de choses à dire sur la place des femmes dans une société hélas encore à forte dominante masculine. De ce fait, "What Men Want" avait un minimum de potentiel afin de montrer ce que pourrait être la véritable valeur ajoutée d'une oeuvre révisitée par l'intermédiaire de personnages féminins... Bon, sur ce plan, autant de le dire, on en attendait sans doute un peu trop d'un film réalisé par le transparent Adam Shankman...


Fini donc le sévèrement burné Mel Gibson et place à la tornade d'énergie féminine Taraji P. Henson en agent de sportifs dans une grande société bourrée de testostérone à tous les recoins de bureaux. Working girl accomplie mais complètement fixée sur elle-même, Ali se fait chiper une promotion qui lui était destinée par un de ses collègues hommes et ne le prend évidemment pas très bien. Lors d'un enterrement de vie de jeune fille, une voyante lui fait boire une mystérieuse tisane et hop, la voilà le lendemain dotée d'un pouvoir de télépathie en direction des hommes...


Autant y aller franchement, pendant une grosse première demi-heure, "What Men Are" prend l'allure d'une vraie catastrophe et ce, même en oubliant le film original bien plus subtil. Entre la masse de stéréotypes masculins débiles, l'assistant gay obligatoire ou le prince charmant barman n'ayant jamais croisé de sa vie le mot "défaut", le film force le trait de tous les hommes qu'il met en scène jusqu'à l'écoeurement, le tout dans cette espèce de réalité parallèle bizarre des comédies US où tous les personnages se sentent obligés de parler et d'agir de manière hystérique ! Même son héroïne n'est pas épargnée, en soulignant à coups de burin son égocentrisme, cette exposition la rend tout autant aussi antipathique qu'insupportable auprès du spectateur (heureusement que l'on adore Taraji P. Henson sinon on aurait fui depuis longtemps !). Et puis, le film n'est surtout jamais drôle en se contentant du premier gag facile et lourdingue qui passe par les déficiences mentales de ses scénaristes ! Arrivé à la séquence de la voyante dont on ne voyait pas comment faire plus pathétique, voilà que "What Men Are" pousse encore plus loin ses capacités hystériques avec la crise de l'héroïne après la découverte de son pouvoir... À ce stade, on vous pardonnera sans peine d'avoir lâché l'affaire, le long-métrage paraît faire tellement d'efforts pour être abandonné en cours de route que cela mérite un certain respect. Cela dit et heureusement, les choses vont un peu s'améliorer par la suite...


Soyons clairs, le film ne devient pas bon pour autant mais, dès lors qu'Ali décide de tirer profit de son pouvoir, il devient vaguement potable.
Soudainement bien plus posé, "What Men Want" rentre dans le rang de tous les standards de ce type de comédies US avec leur structure archi-connue (ascension, chute, rédemption et happy-end) et ne déviera pas d'un iota de cette recette formatée. Avec l'abandon du ton épuisant des débuts (il y aura tout de même encore quelques scènes bien trop survoltées comme celle du mariage), "What Men Want" va avoir au moins le mérite de nuancer quelques stéréotypes rencontrés jusqu'alors afin d'amener son héroïne à sa prise de conscience nécessaire qu'elle est elle-même un problème pour ses proches. Le trait sera bien entendu toujours très épais et il manquera au film des éléments qui ont fait tout le sel de l'original (le personnage de Mel Gibson avait une fille, son love interest était sa propre boss, etc) mais, dans l'exploitation de ce pouvoir et de la rédemption qu'il va amener, l'évolution de l'héroïne au contact d'une galerie de personnages révélant de fait leurs facettes plus intimes prendra enfin plus de sens. Assez pour donner une raison d'être à ce remake féminin ?
Pas vraiment... Le discours féministe est bien là, quoiqu'un brin désuet en 2019 (les femmes ne doivent pas se définir par ce que les hommes attendent d'elles... ben oui, c'est une évidence), mais il est bêtement placé au même niveau d'importance que les aboutissements personnels et amoureux insignifiants de l'héroïne alors forcément, en matière d'impact de ce propos, "What Men Want" est aussi inoffensif qu'un pet de puceron perdu en plein ouragan...


On avait donc un brin surestimé l'ambition du long-métrage d'Adam Shankman qui préfère avant tout se vautrer dans le confort des romcom américaines formatées de A à Z plutôt que de prendre un risque ou deux afin de donner du crédit à cette version féminine. Il en résulte un produit sans grande saveur comme on en a vu des dizaines de fois mais qui, après une première partie défiant à peu près tous les critères du bon goût, parvient à faire le job que l'on en attend... à condition de ne pas avoir une demande très élevée ou de pas être lassé par ce type de film dont on connaît tout par avance.
Reste que Taraji P. Henson nous prouve encore une fois qu'elle mérite tellement mieux...

RedArrow
4
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le 1 mai 2019

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RedArrow

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