Le point de départ du nouveau Cédric Klapisch (écrit avec Santiago Amigorena, le complice des débuts) ressemble étrangement à celui de Six feet under, la série culte des années 2000, mais ramené au monde du vin en Bourgogne (et non plus à celui des pompes funèbres à Los Angeles) : Jean revient parmi les siens à la mort de son père et va devoir reprendre le flambeau du domaine viticole avec sa sœur et son frère, chacun tentant de s’épanouir dans une fraternité retrouvée et leurs aspirations personnelles. Un comeback au bercail déjà vu des centaines de fois et qui laissait songeur : qu’allait bien pouvoir en tirer Klapisch, en extraire d’original et de neuf ?


Petit élément de réponse : pas grand-chose. Et pour rester dans l’esprit Klapisch, rien du tout. Au-delà d’ailleurs de cet intérêt proche du néant, il y a surtout une incapacité totale à s’emparer et à dynamiter une bonne fois pour toutes ce genre (ce mal ?) si français dont on ne devrait plus jamais entendre parler : celui de la saga familiale et du terroir qui sent bon la crotte de chez nous. Ce genre périmé qui recycle sans cesse les mêmes mécaniques et les mêmes clichés depuis des décennies quand, à la fin des années 80, surgirent soudain sur nos petits écrans Le vent des moissons, Orages d’été, Les cœurs brûlés et Cie.


Et Ce qui nous lie s’en gargarise, il s’y vautre, dans ces clichés, n’oubliant aucun ressort dramatique dont on connaît déjà les ficelles, dont on sait par cœur les tenants et aboutissants : le grand domaine à la campagne, le retour du "héros" (fils rebelle ou fille prodigue, au choix) après des années d’absence, les vieilles rivalités, une famille avec des secrets, des querelles et des soucis, les souvenirs d’enfance en mode je te vends du Kiri ou du jambon Herta… Que s’est-il passé dans la tête de Klapisch ? Que s’est-il passé dans sa vie pour qu’il en vienne à écrire et à réaliser un tel projet ? Où sont passées son impertinence, sa drôlerie et sa gravité chaleureuse qui illuminaient si bien Le péril jeune, Chacun cherche son chat et L’auberge espagnole ?


Que peuvent les pauvres Ana Girardot, Pio Marmaï et François Civil pour contrebalancer scènes et enjeux aussi convenus, terriblement convenus ? Pourquoi ces dialogues creux, ces situations téléphonées et parfois racoleuses (ah, le coup de la lettre d’outre-tombe du papa que je hais mais que j’aime quand même et que je lis sa lettre les larmes aux yeux et que je lui pardonne et qu’en fait mon papa il me manque et que fer-me-ta-gueu-le par pitié…), pourquoi cette voix off appuyée, ces flashbacks gnangnans, cette musique ringarde et cette impression d’abattement, presque de dégoût, face à tant d’indigence et de bons sentiments ?


Article sur SEUIL CRITIQUE(S)

mymp
2
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Flop 2017

Créée

le 7 juin 2017

Critique lue 3K fois

24 j'aime

4 commentaires

mymp

Écrit par

Critique lue 3K fois

24
4

D'autres avis sur Ce qui nous lie

Ce qui nous lie
mymp
2

Klapisch kaput

Le point de départ du nouveau Cédric Klapisch (écrit avec Santiago Amigorena, le complice des débuts) ressemble étrangement à celui de Six feet under, la série culte des années 2000, mais ramené au...

Par

le 7 juin 2017

24 j'aime

4

Ce qui nous lie
JorikVesperhaven
8

Une comédie dramatique touchante et drôle, pleine de chaleur humaine, pour un Klapish en grande form

Cédric Klapish s’est essayé à de nombreux genres durant sa carrière mais force est de constater qu’il n’a pas son pareil lorsqu’il fait le choix de croquer des tranches de vie dans leur plus simple...

le 30 mai 2017

22 j'aime

1

Ce qui nous lie
Plume231
4

Mauvais cru !

Mouais, 2017 ne sonne pas pour moi comme un grand millésime pour le cinéma de Klapisch. Et oui, je compte impitoyablement ponctuer cette critique de jeux de mots bien pourris ayant l’œnologie pour...

le 14 avr. 2022

20 j'aime

5

Du même critique

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

179 j'aime

3

Killers of the Flower Moon
mymp
4

Osage, ô désespoir

Un livre d’abord. Un best-seller même. Celui de David Grann (La note américaine) qui, au fil de plus de 400 pages, revient sur les assassinats de masse perpétrés contre les Indiens Osages au début...

Par

le 23 oct. 2023

163 j'aime

13

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

161 j'aime

25