Avant de voir le film, on s'attend à un documentaire. On l'espère puissant et bouleversant, un peu comme Les rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch, brassant dans un même élan, l'expression des corps, l'apprentissage, la nécessité de la pratique artistique. Mais César doit mourir n'est pas un documentaire.

En 1971, Les frères Taviani réalisent Saint Michel avait un coq, magnifique film sur l'enfermement et la lutte contre la folie. Avec César doit mourir, ils reviennent en prison et convoquent théâtre et cinéma dans ce lieu clos. Si la tragédie est au cœur de la pièce de Shakespeare montée sous nos yeux, la forme du film rappelle le néo-réalisme, tant dans son noir et blanc souvent surexposé que dans son regard sur le réel.

Si les acteurs sont bien réels, la manière dont les frères Taviani les font évoluer est au-delà du réel. Mis en scène et dirigés, jouant et rejouant leurs scènes dans leurs cellules, les corridors, les couloirs, les cours, ils rejoignent les grands acteurs non-professionnels de Rosselini, De Sica ou Visconti. La tragédie s'immisce dans la vie de la prison, ses répliques lui font écho, ce qui unit les prisonniers lie aussi les personnages de la pièce.

Ces prisonniers ne sont pas des enfants de chœur. Ils sont tous enfermés dans le quartier de haute sécurité pour de longues peines (de 15 ans à la perpétuité). Ce sont des mafieux, des meurtiers, souvent les deux. Ces hommes restent eux-mêmes quand ils jouent Jules César, pièce de sang et de fureur, qui parle de justice, d'honneur, de trahison et de mort. Aussi le film reste-il toujours sur le fil. Autant les hommes qui jouent sous nos yeux semblent forts et virils, autant le film lui-même paraît fragile. Son procédé tient à peu de choses. Du début à la fin, le travail d'équilibriste des Taviani tient la route, même s'il peine quelquefois à garder le rythme. Ainsi certaines scènes sont-elles trop longues, d'autres trop "théâtrales", tandis que d'autres sont miraculeuses.

César doit mourir est un film ambitieux et totalement en dehors des clous. S'il n'est pas totalement réussi, il mérite plus que beaucoup d'autres d'exister.
pierreAfeu
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le 27 oct. 2012

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