Marivaudage d'amours contrariés, mis en sourdines ou ignorés, Changement d'Adresse joue des mots et des situations et séduit par l'entrain de son scénario autant que de ses comédiens. Après la déception de Vénus & Fleur, ce nouveau long-métrage d'Emmanuel Mouret fait la part belle à une tradition française de la comédie et, s'il ne propose ni leçon ni grande morale, nous emporte presque en dansant dans la valse hésitante et fragile de ses personnages.



Pas encore un bijou mais de l'éclat tout de même.



Le scénario s'orchestre autour d'une base plus que classique, éculée : un homme rencontre une femme, celle-ci en aime un autre – deux fois. S'il peut sembler hasardeux que le réalisateur s'octroie le premier rôle, il faut reconnaître à Emmanuel Mouret sa belle performance de timide victime de ses incertitudes, ainsi, et peut-être surtout, la magie surprenante de son casting : Frédérique Bel, Fanny Valette et Dany Brillant. De l'improbable de ces rencontres naît le cocasse de l'intrigue : quatre personnages aux antipodes les uns des autres qui s'éloignent et se rapprochent à tour de rôle pour illustrer combien l'amour nous mène en errances et nous interroge sur les pertinences de nos propres attirances. Frédérique Bel est électrique, radieuse, à corps perdue dans le rôle d'Anne, jeune femme indépendante encore portée par ses rêves de féérie. Dany Brillant est lui lumineux : fier, sans gêne et manipulateur, il use de son sourire à escient pour déstabiliser sans remord son adversaire dans la course à l'amour. Fanny Valette, superbe regard et retenue diaphane, impose la justesse de sa prestation et prouve encore combien elle sait s'investir dans les rôles qui lui sont offerts, un régal !
Les écritures lumière et son sont également un cran au-dessus du film précédent, voire plus. Le cadre, la lumière sont mesurés, justes, par moment splendides. Si l'ensemble est relativement égal, beau sans être extraordinaire,


certains plans sont même baignés d'une vraie douceur de cinéma,



de ces plans qui subliment admirablement les décors les plus banals, le quotidien le plus palpable. L'écriture musicale également vient étoffer certains passages, leur donner un relief adéquat, ou souligner à merveille le rapprochement, l'évasion ou l'éloignement. Il manque finalement peu de choses pour dépasser le classicisme d'école appliqué qui structure l'ensemble et faire chef-d'œuvre – ce qui laisse du coup un léger goût d'inachevé.



« C'est pas parce qu'on est heureux qu'on n'est pas triste. »



Sans être des plus novateurs, *Changement d'Adresse* séduit. D'entrée. Il ne faut pas cinq minutes pour déjà rire d'un dialogue équivoque autour d'un quiproquo bien trouvé, et qui imprime la cadence à un film assez enlevé pour ne pas ennuyer tout en sachant laisser la place parfois au ralentissement nécessaire à la digestion des sentiments. Emmanuel Mouret s'amuse à la géographie floue des sentiments et réussit à nous embarquer dans les légèretés de son essai vaudevillesque, si bien que sans s'émerveiller nous rions de bon cœur au rythme des maladresses amoureuses quasi épiques de ses personnages perdus d'être aussi éperdument amoureux d'une idée de l'amour avant d'enfin ouvrir leurs yeux sur le réel.

Créée

le 8 janv. 2021

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