Après avoir tapé fort pour son premier film et surprit beaucoup de monde pour s’imposer comme un réalisateur prometteur, Neill Blomkamp avait quelque peu déçu avec son « Elysium ». Pas un mauvais film mais qui péchait par une histoire un peu trop simpliste et manichéenne. Il en suffisait plus pour entacher sa réputation naissante, mais il était attendu pour sa prochaine réalisation.


Après les aliens et la dystopie, Neil s’attaque à un autre thème cher à la science-fiction : les robots. Dans un contexte qui n’est pas sans rappeler Robocop, il installe de nouveau son histoire à Johannesburg en Afrique du sud, ville violente où sévissent les gangs et les criminels, mettant à rude épreuves les forces de la police. Le rapport de force a radicalement changé lorsque celle-ci a fait acquisition d’unités robotisées résistantes aux balles. Un vrai succès pour l’entreprise qui les fabrique, mais Deon, leur créateur, voit encore plus loin : il ambitionne de créer le premier robot à disposer d’une intelligence artificielle, apprenant de lui-même et prenant ses propres décisions. Des robots dotés de sens artistique, pas juste destinés à tirer sur des criminels. Sauf que la directrice ne veut rien entendre, elle n’a que faire de telles créatures. Deon va malgré tout poursuivre ses aspirations mais les événements ne vont pas se passer comme prévu. Car dans le même temps, trois êtres peu recommandables s’en prennent à lui et le robot va finalement être éduqué…par des criminels ! Ce qui n’était pas tout à fait ce que son créateur avait prévu…
Un choix assez audacieux. Ces bandits ne sont pas seulement des marginaux qui essaient de s’en sortir dans un monde difficile, mais réellement des personnes antipathiques prêtes à tuer des innocents. Si plus tard on finit par prendre leur parti –notamment la fille- au début on n’a pas vraiment envie que Chappie reste avec eux… Ce qui n’aide pas vraiment à adhérer à l’histoire d’une certaine façon, même si ce point est compensé par d’autres éléments, en particulier la star du film.


Chappie. Le premier robot intelligent, qui vient au monde avec aucune connaissance du monde, tel un enfant, qui va devoir tout apprendre. Ses capacités supérieures ne l’empêchent pas de se conduire avec une maladresse touchante. Avec des tiges métalliques (de différentes couleurs) en guise d’oreille qui montent et qui s’abaissent comme seule expression faciale, une voie robotique qui parvient à transcrire ses émotions, ses joies ou ses peines exprimées avec l’innocence d’un enfant qui découvre le monde avec un enthousiasme débordant et subit ses premières grandes déceptions. La magie des effets spéciaux a créé une nouvelle créature robotique d’apparence non humaine dotée d’émotions, à l’instar de Wall-e ou encore Sonny (I robot).
Il y a donc beaucoup d’humour dans la façon dont Chappie découvre le monde, surtout lorsque ses « parents » lui apprennent à se conduire comme un gangster en mode cool, et ont recours à des stratagèmes pour l’emmener à commettre des crimes qu’il refusait d’accomplir. La séquence du vol de voiture est ainsi bon moment, « on ne vole pas la voiture de papa ! ».
« Chappie » se pose comme un conte futuriste, dans la veine de « AI ». L’histoire aurait presque pu s’intituler « l’histoire du robot qui n’avait que 5 jours à vivre ». Chappie, malgré sa nature robotique et son apparence non humaine, remporte sans mal l’adhésion et on est touché par ce qui lui arrive. Lorsqu’il est agressé par des voyous sans comprendre ce déchainement de haine à son encontre, lorsqu’il apprend qu’il ne lui reste que quelques jours à vivre et qu’il ne veut pas « aller là où on va après », lorsqu’il comprend qu’on lui a mentit… Peu importe qu’il ne soit qu’un programme, pour les humains qui le côtoient il a autant de sentiments d’une personne vivante. Une empathie que ressentent même des criminels endurcis.
Nettement moins animés que ses prédécesseurs en terme d’action, « Chappie » possède néanmoins quelques scènes plutôt sympathiques, où le réalisateur semble avoir voulu ajouter là aussi une partie du déchainement de violence fun et gore qui avait tant marqué pour son « district 9 ».


La fin peut toutefois laisser dubitative. D’un côté on est content que cela finisse plutôt bien, non sans poésie, de l’autre le happy end semble assez forcé, en particulier le dernier moment final qui aurait pu être évité. Je ne peux m’empêcher de penser que le film aurait pu être autrement plus fort émotionnellement. S’il est tout à fait normal que Chappie parvienne, en rassemblant toutes les informations que l’humanité a collectées, à disposer de connaissances supérieures, sa découverte se produit de manière très rapide et aurait pu être mieux amené. Enfin, le personnage de l’ex militaire prêt à tout pour faire aboutir son projet est assez convenu, et ses agissement prévisibles.


Neill se sert du thème des robots avant tout pour créer une histoire émouvante. On pourrait sans doute établir le même constat de ces précédents films, un thème de science-fiction en toile de fond, néanmoins bien présent et non juste un prétexte, pour créer un mélange d’action et d’émotions (ce qui était toutefois moins vrai pour district 9 où l’idée seul suffisait à le rendre intéressant). Ce n’est donc pas vraiment dans la profondeur de la thématique choisie que s’illustre ce réalisateur mais dans l’originalité dont le sujet est traité.


Si certains choix sont discutables, Neill Blomkamp reste un réalisateur qui surprend, et qui suscite donc de la curiosité pour ses prochaines réalisations (on pense tous bien sur à « alien 5 »).

Enlak
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le 29 mars 2015

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