L'enfant Blomkamp grandit-il trop vite?

Neill Blomkamp avait tout pour être un réalisateur prometteur. Son premier film, District 9, film coup de poings, usant l'utilisation d'extraterrestre (les "Crevettes") pour montrer l'actuel apartheid qu'il existe entre les hommes et les crevettes, proches de réfugiés politiques. Un style docu-fiction sur une partie du film, des acteurs absolument inconnus (son irremplaçable Sharlto Copley lancé à Hollywood grâce à sa performance), des personnages hauts-en-couleurs et pas forcément héroïques, même des anti-héros, et un univers S-F ancré dans notre réalité, plus proche de l'anticipation que du futur pur et lointain!

Et puis Blomkamp a rempilé en 2013, avec Elysium. Chargé cette fois-ci d'un casting moins hétéroclite (Matt Damon, Jodie Foster et le toujours présent Sharlto Copley), le deuxième film du jeune réalisateur promettait une sacré pétarade, dans un univers futuriste sale et poussiéreux, ou la lutte des classes est toujours plus présente. Doté pourtant de scènes et de plan dantesque, le film n'ira pas au-delà de son prédécesseur et sera même en dessus, car les thématiques restent identiques et le casting n'était pas non plus approprié (sauf Sharlto Copley et Jodie Foster).
En cette année 2015, notre prometteur Blomkamp revient avec CHAPPiE, l'histoire d'un robot doté d'une véritable intelligence artificielle, apprenant comme un enfant tout ce qu'on lui enseigne, du vocabulaire, au style de vie, mais à une vitesse vertigineuse. Là où se trouve l'originalité, c'est qu'il est majoritairement éduqué par une bande de trois délinquants souhaitant l'utiliser comme atout pour un braquage qui leur sauvera la mise.
CHAPPiE est un film plaisant, pour son histoire qu’on pense avoir déjà vu et revu et qui se trouve notamment très originale. Elle ne s’attarde pas sur le côté préventif de l’intelligence artificielle comme pouvait le faire I,Robot d’Alex Proyas ou 2001 l’odyssée de l’Espace de Kubrick. Elle s’attarde sur l’éducation. Et Neil Blomkamp se pose en parfait sociologue, démontrant que le lieu de l’éducation qu’est la famille et l’influence de nos pairs et de notre famille impactent notre mode de vie, nos habitudes de langages, notre ethos, notre morale et nos réactions.
CHAPPiE se pose comme un robot enfantin : il est vierge au début de toutes connaissances et de toutes habitudes, mais il est bougrement intelligent et adaptif : il va donc intérioriser plus vite que n’importe qui ce que va lui apprendre sa « famille » : Yo-landi, Ninja (mère et père) et America. D’ailleurs il est même intéressant de montrer que CHAPPiE sera toujours bien avec sa figure maternelle plus qu’avec son « père » qu’il craindra car se sentant trop différent pas assez bien pour lui (jusqu’à ce que son père l’intègre dans son monde), retrouvant en America son père de substitution. Egalement, Deon (Dev Patel) apparaît dans le film comme le « créateur », une sorte de Dieu pour CHAPPiE, vers qui il se tournera pour des questions éthiques mais également se révolter, avant de revenir l’aider.
Et visiblement, Neill Blomkamp, sans doute par son origine Sud-Africaine, démontrant dans ses trois films des problématiques sociales : District 9 avec l’Apartheid, Elysium avec l’éternelle lutte des classes (bipolaires) et CHAPPiE avec la socialisation et le conditionnement à un environnement.
Mais là où est fort notre ami Blomkamp, c’est qu’il pose des questions éthiques. Je ne reviendrais pas sur les films précédents, mais dans CHAPPiE, il y va lourdement : Deon travaille chez TRAV AHALL, constructeur d’armes, mais surtout constructeur des SCOUT (les robots policiers). Les SCOUT sont efficaces pour baisser la criminalité dans les rues de « Jo’Burg », car plus résistants et bien meilleurs en tir de précision. Utiliser des machines de mort pour détruire la délinquance, ça a le mérite d’être efficace, mais ça crée un climat de terreur pour les délinquants qui sauront exploser, telle une cocotte-minute, lorsque les SCOUT seront mis en OFF. (Mais je ne spoilerais pas.)
D’autres parts, la question d’une intelligence artificielle et tout ce qu’elle peut entraîner. Alors là, c’est un terrain très glissant. Beaucoup de personnes sont très réticents à l’idée d’une machine capable d’éprouver des sentiments et douée d’une capacité d’apprentissage à vitesse folle : c’est une machine, elle a donc la capacité d’apprendre tout, plus vite, car son cerveau n’est pas organique et ne nécessite pas d’effort pour garder les idées en têtes (si ce n’est votre carte mémoire). Et CHAPPiE étant un robot, il a une capacité à apprendre et à innover, ce qu’il réussit à faire de manière brillante.
Autre question intéressante : la robotique et la conscience humaine. Je n’irais pas très loin. Ça concerne la fin, Neill Blomkamp ouvre (défonce à grands coups de pieds !) une porte éthique, à laquelle nous sommes peu à penser. Il y aura deux manières de réagir : sauter sur son siège en hurlant « Mais Nan… » Ou rester à regarder, et à y réfléchir.
Au point de vue des acteurs, ils sont bons et il y a très peu de rôles transparents (excepté le chef de gang qui est un peu en carton-pâte avec des cheveux vraiment ridicule !). Dev Patel fait son petit bonhomme de chemin, si j’ai un petit défaut à lui donner, c’est comme Neill Blomkamp : on retrouve dans ses rôles une certaine redondance : celle d’un personnage faible au début du film qui finira plus grand, voir dans une situation totalement inédite. Mais son enthousiasme et sa tête me font toujours plaisir à voir, dire que cet acteur part de la série Skin, on peut lui souhaiter bon courage pour la suite. Sharlto Copley délivre une prestation nouvelle (encore une fois), celle de la motion capture. Et il n’a pas à rougir, il rend les mouvements de CHAPPiE très réaliste, au niveau comportemental dans son éducation mais également dans sa démarche, tantôt apeuré au début du film, tantôt sûr de lui mais déconcertante à la fin. Ses répliques sont justes fantastiques, et l’ensemble donne une véritable vraisemblance au film. Définitivement, il est à suivre. Sigourney Weaver et Hugh Jackman sont un peu les têtes d’affiches inutiles du film, même si j’avoue avoir adoré le personnage de Hugh Jackman, en chemise, bermuda, pistolet sur le côté et la nuque longue. Il est fantastique, mais on y croit.
Mais là, où Neill me fait plaisir, c’est par son casting complètement inconnu pour Ninja, America et Yolan-di (que j’ai adoré.) Des acteurs inconnus mais doués d’un réel talent, surtout Yolan-di, touchante et très originale au niveau de son esthétisme.
Globalement, le film s’en tire bien, mais la théorie des auteurs à raison de Blomkamp, qui ressort une construction qu’il a déjà exploité, et une thématique assez proche de District 9. Mais le film est beau, le réalisateur s’est fait plaisir avec des images et des paysages à s’en décrocher la mâchoire, même le plan final (bien qu’il fasse hurler) est beau. Du bon, mais pas le meilleur.
NiKoDavid
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le 16 mars 2015

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