Curieuse chose que ce Charlie Mortdecai aux premiers abords. Héros tiré d’une quadrilogie de romans britanniques parus à titre posthume, Charlie Mortdecai incarne le raffinement à l’état brut. Costume 3 pièces impeccable en tout circonstances, moustache finement entretenue, arrogance typique d’un mégalomaniaque, et autres facéties capillaires composent ce personnage un brin loufoque, croisement un tantinet absurde entre un Indiana Jones et un membre des Monthy Pythons, devant par le hasard de l’Histoire, mettre la main sur un tableau perdu de Francisco de Goya abritant en son dos les coordonnés bancaires d’un mystérieux coffre nazi. Pourtant, à ceux espérant déceler dans cette histoire une quelconque once de vérité ou de plausibilité, passez votre chemin. Car ce qui amuse sans doute le plus dans ce film réalisé par David Koepp (fidèle scénariste attitré de Steven Spielberg), est sa volontaire exagération, virant quasiment à l’indécence obséquieuse. Une exagération criarde, présente dans tous les plans, allant de la nonchalance à peine voilée du personnage éponyme rembarrant tous les personnages croisant sa route, qu’ils soient confrères, voituriers, concurrents, épouses ou homme de main, au traits volontairement forcé du personnage.

Fauché, tout en étant engoncé dans un respect des coutumes familiales et des sacro-saintes règles de vie britanniques, Charlie Mortdecai incarne en effet avec une bizarrerie assez rare cette réminiscence de l’arrogance traditionnelle britannique, conspuant la nation française au gré de blagues clichées, vilipendant les badauds étrangers par coup de blagues pas toujours finaudes et s’amusant de ses propres traditions ancestrales. Un personnage, dont l’identité, l’aura, colle à la peau de Depp, tant ce dernier parvient au gré d’un scénario étalant sans ménagement ses nombreuses étourderies et autres running jokes, à lui rendre justice, faisant alors penser que l’auteur derrière ce personnage de fiction avait déjà en tête l’acteur de Dead Man. Mais ne se réduire qu’à Johnny Depp serait un affront envers le reste du casting tout aussi brillant, composé de Gwyneth Paltrow, Jeff Goldblum, Paul Bettany, Olivia Munn et Ewan McGregor, qui au diapason de cette œuvre véritablement artificielle, amusent par leur prestations la plupart du temps décalée et hautement jouissive.

Tout juste, pourra-on regretter un manque cruel de maîtrise sur l’ensemble, tant le scénario, caricature goguenarde et ratée d’un Indiana Jones en roue libre, ne donne guère de péripéties et ne se contente que d’allonger le maximum d’espace pour son protagoniste principal, au détriment souvent des autres, réduits alors au plus strict archétype, allant du voleur adroit, à l’épouse castratrice, en passant par l’agent zélé ou la nymphomane de service. Un déséquilibre se répercutant à toutes les strates du film, tant la suffisance du propos et son aspect grandement hautain affaiblissent la fluidité et la pertinence du film, sans doute sorti un peu trop tard, à une époque où l’explosion est devenue une norme et où l’humour, réduit à son versant le plus gras (voir The Interview) ne suscite plus tant l’admiration de l’audience.

Par Antoine
Neocritics
6
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le 3 févr. 2015

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