"Votre père n’a rencontré votre mère qu’une seule fois.
Et il l’a payée."
Tout personnage n’ayant pas la classe surannée et déliquescente de Charlie Mortdecai aurait traité son agresseur, butor russe obsédé par l’idée de maltraiter ses testicules, d’un lapidaire mais terriblement anodin "fils de pute". Charlie est au dessus de ça. Et quand le-dit butor discerne l’insulte, à travers l’élégance de la formule, et administre un vigoureux coup de point dans le nez du nobliau, ce dernier croit bon de rajouter : "sans doute moins de 20 livres. Et on raconte qu’elle était habillée en homme".
Tout l’esprit du film est résumé dans cette scène. Ce n’est jamais hilarant, parfois assez lourd, mais pour qui est sensible à un ton badin et une ambiance qui tente désespérément de retrouver l’esprit des comédies anglaises des années 50 (et qui y échoue absolument), la tentative maladroite peut se révéler sinon agréable, au moins plaisante.


Une farce qui tourne entièrement autour de ses personnages (au point de rendre comme souvent l’intrigue parfaitement inutile) dont on peut apprécier la constance: le valet estropié qui ne cesse de se faire mutiler par son maitre et attirer les plus jolies demoiselles (un des meilleurs rôles de monsieur Connelly ?), une épouse charmante, parfaitement déterminée à refuser


presque


jusqu’au bout l’ornement pileux de son obséquieux mari (Gwynet Paltrow, rarement vue aussi charmante que dans la scène de la baignoire), un chef du MI5 qui pourrait tout avoir dans la vie si seulement il parvenait à séduire Johana sans qu’elle ait besoin d’un renseignement, ou encore une fille de collectionneur qui aime elle aussi accumuler mais préfère miser sur les attributs masculins que sur les objets, la galerie est sans doute loufoque, mais possède le mérite de sa cohérence: les lignes sont tenues du début à la fin.


Reste, bien sûr, le cas Johnny Depp, qui se transforme d’années en années un peu plus en Louis de Funès anglo-saxon.
Mais si. Je suis sûr que vous voyez de qui je veux parler: cet acteur français des années 60 et 70, créateur de mimiques impayables qu’il utilisait dans presque tous ses films, qui joua par exemple dans fripouille et compagnie ou dans l’eau… qui fait des bulles, qu’il était de bon ton de mépriser à l’époque, et dont on se souvient aujourd’hui avec les yeux embués de reconnaissance pour avoir illuminé des comédies populaires de qualité comme le corniaud, Fantomas ou la folie des grandeurs. Ça vous revient maintenant ? Vous voyez ? Et ben, Johnny, c’est presque ça, désormais.
Ce côté systématique de la grimace, apparu avec Pirates des caraïbes, et développé dans Lone Ranger ou Dark Shadow, tourne à la recette sans génie, mais il n’est pas tout à fait arrivé à me lasser. Je l’avoue, je suis coupable d’une tolérance douteuse envers les cabotineries du bonhomme.
(De là à ce qu’on lui voue un culte comparable à celui érigé à notre Louis national quand il aura quitté les feux de la rampe, il y a, dans l’hypothèse, un pas que je n’oserais franchir, mais il s’agirait alors d’un phénomène que l’époque rend absurdement probable)


Alors évidemment, il faut faire preuve de discernement au moment de décider de lancer une séance Mortdecai. Un dimanche soir en V.O., assoupli par les derniers relents d’une gueule de bois gaillarde, affalé dans votre canapé, l’œil vitreux, et bercé par les doux ronflements de votre moitié dont les délicieuses courbes sont épousées par une de vos mains égarées, sont les conditions idéales pour vous permettre une mansuétude et une tolérance qu’une première séance en V.F. à prix indécent dans un multiplexe bondé d’indésirables vous interdira.
Mais cela entre dans le domaine des choses tellement évidentes qu’il me semblait presque inutile de le préciser.

guyness

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