C’est l’histoire de 3 pétasses issues de la génération MTV, pour tout ce qu’elle exhibe de plus vulgaire, employées comme agentes secrètes par un millionnaire si honteux de les avoir choisies qu’il fait tout pour ne pas apparaître dans le film.

Bref, initialement j’ai voulu voir ce film, dont j’avais aperçu un morceau bien plus tôt à la télé, parce que j’ai su que Lucy Liu y était: vice parmi d’autres, car récemment je me suis tapé le somnifère «Rise: Blood hunter» en entier et en y prêtant attention comme si c’était profond et réfléchi. J’ignorais le reste du casting et l’histoire, mais le tout paraissait bien nul—donc j’ai osé.

Je ne m’attendais pas à un tel hybride: la première scène est si mauvaise qu’elle a soulevé en moi les envies contraires de réconforter ma face dans ma paume tout en sanglotant d’hystérie ou de continuer avec empressement, afin de découvrir quels autres sommets du ridicule et du mauvais effraieraient mes yeux pourtant habitués et aux navets et aux nanars; néanmoins, la suite se rattrappe (partiellement certes), quoique ni dans la cohérence du scénario, ni dans le jeu des actrices, ni dans la chorégraphie des combats, ce qui m’a rassuré, mais, étonnamment, dans le second degré. En effet, le film ne se prend pas au sérieux (vaut mieux d’ailleurs), et amuse souvent par le ton léger lorgnant, je pense, vers la parodie, sans s’empêcher de rester mauvais.

D’un côté donc, je me suis demandé comment ces «espionnes», au vu du déroulement de l’histoire, sont censées inspirer de l’attachement ou susciter le rire. Certes, elles sont toutes maladroites avec les hommes, mais dépassent rapidement cette limite pour fermement s’établir dans le vaste domaine de l’incompétence la plus méprisable: faciles à tromper et à confondre, peu impliquées dans leur travail, mauvaises au combat (pourtant survivant uniquement grâce au scénariste, j’espère que cette abomination n’est le fruit que d’un seul), elles ne semblent jamais prendre quoi que ce soit au sérieux. Le spectateur, je pense, non plus, cependant leur superficialité irradie si prégnante qu’aucune accroche pour leur compatir ne saillit. J’exemplifie, d’abord sur l’incompétence, puis sur la superficialité: dans la première mission, Dylan quitte l’avion avec le terroriste et la bombe en arrachant une porte de sortie de secours en plein vol (ce qui, je ne sais moi, pourrait causer d’aussi sérieux problèmes qu’une bombe, comme une dépressurisation subite, ou l’aspiration de personnes se trouvant alentours...), ensuite dans la mission d’infiltration à la soirée, elles abandonnent littéralement Bosley, alors qu’il est en difficulté, pour donner des conseils à Natalie draguant un barman, puis sont quasiment défaites dans un combat à 3 contre 1, et ne doivent qu’à la chance de retrouver le mec enlevé (d’ailleurs elles trouvent ça normal de tomber sur un méchant qui fuit en direction de leur cible); par la suite, le barman invite Natalie à un rendez-vous mais celle-ci le laisse derrière pour danser seule puis se barrer subitement, ou encore Dylan qui paraît tendrement attachée à Chad, même si elle paraît plutôt s’en servir comme d’un meuble, mais couche sans regret avec son client après quelques heures d’accointance seulement, continuant à utiliser Chad dès que le besoin se présente.

Le reste des personnages n’est guère mieux. Bill Murray figure en Bosley, incompétent comme ses collègues, mais sidekick comique de surcroît (pratiquement, ça se rend par du temps consacré à lui, alors qu’il ne sert à rien), le trio des méchants est pitoyable et caricatural (seul le Creepy Thin Man a la classe), et incompétent, avec un plan évidemment débile, et je ne louerai sûrement pas Charlie, disparate (horriblement mal écrit) entre l’admiration béate pour lui de tous les personnages, ainsi qu’une figure du vieux sage auquel le film veut faire croire, et la naïveté et la connerie (notamment d’engager des gens aussi nazes) de ses actions. Comment fait-il encore des bénéfices avec son organisation de merde? Les copains des anges, quant à eux, ne sont que des faire-valoir vides.

Bref, je pourrai continuer longtemps comme ça, en analysant l’histoire simpliste et presque insultante, les tonnes d’incohérences et de raisonnements justifiés uniquement par la volonté du scénario d’amener l’action là ou là, l’idéologie douteuse, la démonstration fallacieuse de femmes puissantes mais en fait surveillées avec amusement et condescendance par l’Homme, et d’autres conneries qui, s’accumulant, distordent le plaisir simple de voir un film débile et marrant, situé clairement dans le second degré. Je préfère n’en laisser que cette longue prétérition et énumérer en moins de développements superflus quelles bribes surnagent dans cette mer de mauvais goût.

D’abord, malgré la pitié que m’inspirent certains gags, j’ai souri et ri quelquefois. L’humour évidemment va de pair avec les autres éléments, c’est-à-dire que c’est complétement con, mais son exagération même et l’absence de subtilité semblent voulues, ou du moins je l’espère. J’ai perçu le film comme une œuvre qui certes se vautre dans la vulgarité et baigne dans la culture dissoute, mais qui en même temps se moque d’elle-même, comme tentant de sublimer sa nullité inhérente, voire parfois raillant les clichés. Par exemple, le combat dans l’allée contre le Creepy Thin Man insiste tellement sur les poses ridicules prises par les combattants que je ne peux croire ça innocent. Peut-être se dégage là une volonté de ne laisser aucune fondation sérieuse, afin de librement et chaotiquement se foutre de tout.

(J’ai un sentiment partagé néanmoins à propos de la représentation des héroïnes comme potiches, faibles et dépendants du mâle indépendamment de leurs compétences. Soit c’est totalement sexiste de tous les points de vue (et je pense que forcément l’intention de départ était sexiste), soit le réalisateur s’est réapproprié le matériau pour faire une subtile dénonciation de l’enfermement de la femme dans un système de clichés. J’ai envie de pencher vers la seconde hypothèse, mais les autres composantes du film me gardent réservé.)

Ensuite, et enfin, car je suis à court, le film reste divertissant et sans prise de tête (sauf si on commence, comme moi, à fouiller, alors qu’il suffit d’éteindre son cerveau), tissu de bonne humeur et de légèreté. Le but est clair—non pas transcender quoi que ce soit ou construire une œuvre durable, mais simplement livrer un blockbuster d’été (et faire du fric grâce aux noms d’acteurs et à la référence à la série), consommé avec du pop-corn et du Coca-Cola et oublié 3 jours après. Dans ce genre, il finit indistinct des dizaines d’autres productions: passable si on se limite à le consommer, vide voire nuisible si on tente de le sonder.
Owen_Flawers
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le 12 déc. 2014

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Owen_Flawers

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