Chasse à l'homme
7.2
Chasse à l'homme

Film de Fritz Lang (1941)

On connait l’intérêt de Lang pour les dilemmes moraux, et Chasse à l’homme s’y inscrit parfaitement : en deux temps, le film explore la question de la tentation du meurtre. Un anglais surpris aux abords la propriété du Führer armé d’un fusil et visant dans sa direction tente d’expliquer qu’il n’avait pas l’intention de tirer. Seul comptait le plaisir de pouvoir le faire, comme un chasseur qui aurait davantage de plaisir à traquer la bête qu’à la tuer. Se retrouver dans cette situation sans lui donner de conséquence funeste serait là la preuve ultime de son degré de civilisation, de sa victoire sur un instinct primal.


Belle théorie, bel élan vers une dissertation philosophique : les allemands ne l’entendent évidemment pas de cette oreille et tentent plutôt de lui faire signer des aveux qui leur permettraient de signifier officiellement la participation de sa nation à une tentative d’assassinat.
Mais les débats tournent court, au profit d’un film d’espionnage bien plus balisé, et servant ouvertement des fins propagandistes. C’est d’autant plus regrettable que, loin d’un Furie ou M. Le Maudit, Lang sacrifie à un grand nombre de facilités du cahier des charges hollywoodien : musique pompière, rôle assez irritant pour la damoiselle de service, le tout dans une ambiance de comédie sentimentale qui semble totalement délaisser les enjeux premiers. Certes, la photo est soignée, les brouillards de Londres en accord avec les activités interlopes des divers services, mais la légèreté de ton surprend un peu.


Le retour de la noirceur est donc bienvenu, même s’il arrive un peu tard, et achève la partition déséquilibrée de l’ensemble : c’est l’occasion d’une belle rupture sur un pont, la femme devant faire mine de racoler l’homme qu’elle aime pour détourner l’attention de la police sur elle, avant de disparaitre dans la nuit et les larmes.


S’en suit le deuxième temps de la dissertation : jamais avare de symbole, Lang le situe dans une grotte, l’anglais reclus y trouvant le temps de se mettre en accord avec son inconscient et les élans primaux qu’ils niaient au profit d’une rationalité un peu trop construite. Jusqu’à cette construction de fortune d’une arme qui semble faire de lui un nouvel homme des cavernes, ce dénouement renoue avec les meilleures trouvailles du cinéaste, avant un épilogue où sa nation d’accueil reprend clairement ses droits.


Il serait donc malhonnête de réduire Chasse à l’homme à un banal film de commande au profit de l’effort de guerre. Lang est bien là, et surgit dans des séquences essentielles : mais les circonstances l’emportent, et on est loin du chef-d’œuvre qui signa son arrivée aux États-Unis, à savoir Furie.

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le 4 avr. 2018

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Sergent_Pepper

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