Il est des personnages de cinéma qui marquent.
Leur charisme, leurs aventures, leur présence suffit même parfois à construire une histoire passionante.

Cela peut tenir à peu de chose. Un regard d'une profondeur insondable, des rides permettant de lire sur un visage comme dans un livre ouvert à la page de la misère (© Jacques Roumain), des doigts qui paraissent pourtant usés, mais qui retrouvent malice et espièglerie dès qu'il s'agit de s'amuser avec les pistons d'une trompette, une bouche renfoncée par la multiplication des bagarres ou par d'autres raisons moins dissibles.

Parfois, c'est le contraire. Au lieu de voir charisme et aplomb, on reste subjugué par le mélange de timidité, de sensibilité et d'innocence d'un personnage qui passe son temps à s'autodétruire.

C'est encore plus fort lorsque ce personnage de cinéma est un être réel, sujet d'un documentaire, et non plus un rôle de plus pour un auteur à succès.

Chet Baker était un génie.
Pas un virtuose, capable d'inventer de nouvelles notes ou de bousculer le monde musical en en repoussant les limites. Non, juste un génie.
Que ce soit en utilisant la trompette ou ses cordes vocales, ce génie s'exprimait à travers son souffle.
Ce souffle qu'il aura eu le talent de savoir suspendre au moment certain, à l'instant décisif, nous faisant attendre avec un mélange d'impatience et d'incertitude la prochaine note.

Bruce Weber a parfaitement su retranscrire cela dans Let's Get Lost.
Le noir et blanc magnifique, tout en dénument, instaure une proximité avec Baker, que l'artiste n'aura de cesse de briser, volontairement ou pas. On découvre ainsi une sorte de funambule, souvent proche de la chute, mais qui se permettrait d'en rire, d'en jouer pour mieux nous désarmer et nous rouler dans la farine.
Au final, Chet traverse ce film comme il aura mené sa vie, de manière insaisissable.

Comme un souffle.
G_Savoureux
9
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le 24 oct. 2010

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G_Savoureux

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