Le nez collé au guidon d'une actualité omniprésente qu'il ne maîtrise pas, le nouveau film du réalisateur belge Lucas Delvaux souffre principalement d'un manque de distance ou de hauteur, d'un regard davantage personnel et artistique qui l'éloignerait du coup du registre sociologique et documentaire. Auquel il n'échappe pas complètement en dépit de l'existence de personnages sans doute trop nombreux qui éparpille le discours en lui retirant de la tension et de l'enjeu. On aurait bien aimé que le réalisateur de Pas son genre se consacrât plus sur son héroïne en analysant avec plus de finesse et de profondeur les mécanismes d'un parcours et d'une décision. Pauline, l'infirmière à qui on propose d'être la tête de liste d'un parti d'extrême-droite aux prochaines municipales, est en fin de compte le prétexte servant à montrer et démonter les agissements souterrains et peu reluisants dudit parti.


Encore une fois, la réalité dépasse la fiction et Chez nous apparaît à la fois simpliste dans l'accumulation des clichés et surtout bien inoffensif. Certes, Lucas Belvaux se refuse à une charge en règle qui serait aussi bien facile que contre-productive – même si, par ailleurs, on doute que le film n'attire qu'un public déjà convaincu. De même, le cinéaste ne tombe pas dans le manichéisme ou la caricature. Le docteur Berthier, homme de l'ombre chargé de convaincre et de recruter Pauline, a soigné avec compétence et dévouement la mère de cette dernière, tandis que Stéphane, factotum néonazi au service clandestin du parti, montre de la sollicitude et un réel attachement auprès des deux enfants de Pauline.


S'il y a sans conteste de la justesse dans la lecture sociologique du pays, il manque néanmoins une amplitude et une ambition pouvant faire de Chez nous un véritable brûlot. On reste ici trop au stade de l'observation scrupuleuse et documentée sans qu'elle nous apporte plus que nous ne connaissions déjà. Tous les acteurs défendent avec talent et conviction leur personnage, ce qui ne génère pas d'ennui. Hélas pas de passion, de colère ou de dégoût non plus. Comme une normalisation acceptée et entérinée. C'est peut-être au final le plus effrayant.

PatrickBraganti
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films vus en 2017

Créée

le 22 févr. 2017

Critique lue 1.4K fois

9 j'aime

1 commentaire

Critique lue 1.4K fois

9
1

D'autres avis sur Chez nous

Chez nous
Behind_the_Mask
3

Bourrage des urnes

Précédé par quelque relent d'une polémique imbécile qui aura eu pour seul effet de braquer les projecteurs sur sa sortie opportune, Chez Nous n'est finalement qu'un soufflé qui se déballonne...

le 23 févr. 2017

33 j'aime

16

Chez nous
Cultural_Mind
6

Haine(s) pollinisatrice(s)

On pourrait bien sûr multiplier les reproches à l'encontre de Chez nous : les personnages manquent d'étoffe, la trame narrative est cousue de fil blanc, le parti pris politique a quelque chose de...

le 4 juil. 2017

22 j'aime

5

Chez nous
BenoitRichard
7

Critique de Chez nous par Ben Ric

Évacuons tout de suite les points faibles du film et souvent inhérents à ce type de fiction prenant appui sur période actuelle. La première, et la plus flagrante était sans doute, étant la...

le 26 févr. 2017

14 j'aime

5

Du même critique

Jeune & Jolie
PatrickBraganti
2

La putain et sa maman

Avec son nouveau film, François Ozon renoue avec sa mauvaise habitude de regarder ses personnages comme un entomologiste avec froideur et distance. On a peine à croire que cette adolescente de 17...

le 23 août 2013

89 j'aime

29

Pas son genre
PatrickBraganti
9

Le philosophe dans le salon

On n’attendait pas le belge Lucas Belvaux, artiste engagé réalisateur de films âpres ancrés dans la réalité sociale, dans une comédie romantique, comme un ‘feel good movie ‘ entre un professeur de...

le 1 mai 2014

44 j'aime

5