Passé la torpeur, il ne reste au chien enragé qu'une ligne droite.

Entre nous, Kurosawa m'insupporte. Les réalisateurs ont très souvent leur chef d'œuvre, chez Kuro on peut en compter une dizaine. Je ne peux pas vous citer un seul film de lui qui m'ait déplu, ou alors j'étais malade, car la fièvre serait le minimum syndical pour ne pas apprécier l'humanisme caniculaire de ce Chien enragé. Adapté de son propre roman inspiré par Georges Simenon (Maigret, entre autres), Kurosawa entame dès le début du film une véritable plongée didactique dans le Japon de l'après guerre ; cette première partie certes particulièrement efficace dans sa prise de température, en oublie une enquête qui patine et bien vite le jeune inspecteur Murakami se fait éclipser par Sato, Takashi Shimura incarnant avec brio ce commissaire tout en sagesse et en tempérance.

"La malchance forme ou écrase, c'est au choix. Vas-tu te laisser écraser ?"
Toshirō Mifune, imberbe -chose assez rare pour être signalée- joue quant à lui ce policier débutant perdant son pistolet lors d'un trajet anodin en bus. L'embarras tout naturel va bientôt laisser place à la honte, quand celui-ci va s'apercevoir que son arme est tombé dans les mains d'un criminel. Très vite la torpeur de l'été encourage la peinture péjorative de la guerre, ses conséquences sur les classes sociales défavorisées ainsi que l'accablement général. Kurosawa emprunte par ailleurs des plans documentaires au futur réalisateur de Godzilla, Ishirō Honda, lors d'une séquence de 8 minutes dénuée de dialogues où l'inspecteur Murakami erre dans un Tokyo ravagé, déguisé en démuni.

"À la guerre, j'ai souvent vu des types devenir des fauves."
Tandis que l'on oublierait presque l'enquête de ce jeune inspecteur, Kurosawa distribue ce qu'il faut de violence et de tension pour que le suspense reprenne et qu'à la lueur des fleurs blanches soit éradiqué une morale malsaine faite de destin ou de pitié, qu'un autre réalisateur aurait pu jeter avec une légèreté presque insolente. Allongés dans l'herbe, on en oublierait presque la chaleur de l'été, le malfaiteur attrapé et le film, terminé.
Sledgekind
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le 15 mai 2012

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Sledgekind

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