Nov 2009:

Très intelligente métaphore sur la transmission du pathos entre générations. Cronenberg, obsédé par le langage du corps, utilise la psychosomatique dans ses excès les plus fantasmatiques et horrifiques pour raconter une histoire des plus simples de manière savoureusement spectaculaire et très percutante.

J'aime beaucoup quand les auteurs manipulent un genre particulier en faisant en sorte que le film en dise plus qu'il n'y parait de prime abord. On a là une histoire de petits monstres qui tuent des gens. Rien de plus a priori. Mais sans vraiment le cacher -la deuxième lecture est évidente- le film aborde des thèmes importants : l'héritage psychique, le legs affectif et structurel que les parents laissent à leur progéniture, les histoires de famille pleines de souffrances, de non-dits et autres petits mensonges en apparence qui se transmettent et se répètent de génération en génération.
On y évoque également les conséquences néfastes pour les enfants de la séparation mouvementée des parents. Un "Kramer contre Kramer" qui dégénère dans le gore en quelques sorte.

Cronenberg prend pour cadre une banlieue banale, avec sa campagne alentour et ses forêts isolées dans un hiver enneigé.

Dans cette atmosphère glaciale, les acteurs usent à merveille de leur physique. De la petite fille (Cindy Hinds) à l'immaculée blondeur et à l'inexpression effrayante, jusqu'à la grand-mère (Nuala Fitzgerald) dont le rude visage, légèrement abimé par l'alcool et les désillusions témoigne de ces non-dits qui déclenchent tout le cauchemar éveillé du film.
Samantha Eggar crée avec une belle maestria un crescendo sublime dans la dépression jusqu'à former de son regard bleu un visage d'épouvante. Oliver Reed joue bien également de son physique imposant, de sa masse : toute l'ambiguité de sa posture de psychanaliste ou gourou insuffle une autre part du mystère, en trompe l'oeil.

Certains autres rôles secondaires apportent un sérieux plus : le barbu dépressif (Gary McKeehan), le goitreux au cancer monstrueux et suant (Robert A. Silverman) ou bien le glacial assistant du psy (Nicholas Campbell) sont des personnages formidablement croqués et trouvent leur place dans ce grand récit-puzzle avec une justesse et une nécessité réjouissantes pour le spectateur.
Alligator
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le 30 mars 2013

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