En voilà une belle lampe de lancement, Chronicle ayant propulsé pour de bon deux jeunots en devenir : Dane DeHaan et Michael B. Jordan. Succès inattendu en 2012, il ouvrit aussi à Josh Trank les portes de la notoriété, son premier film en date ayant rapporté pas moins que dix fois sa mise de départ : aussi, outrepassant l’échec cuisant du reboot des Quatre Fantastiques, le cinéaste aura l’occasion d’affermir de sympathiques prédispositions avec le prochain Capone… mais revenons-en à nos moutons.
Cela n’aura échappé à personne, Chronicle se positionne à contre-courant d’une représentation idéaliste des super-pouvoirs, pour ne pas dire utopiste, récemment et largement promulguée par le tsunami du MCU. Néanmoins, par-delà ses portraits-types de l’adolescent dépressif, il n’exclut en rien une part de fantasme non négligeable dans l’équation : sur un semblant de modèle à la « rise and fall », la première partie du récit s’applique ainsi à mettre en scène toute cette jouissance qu’entraîne la découverte, l’apprentissage et le perfectionnement, chose que démultiplie à n’en plus finir le caractère exceptionnel de la situation.
La notion de chronique prend alors tout son sens à l’aune de cette évolution, la caméra d’un Andrew appliqué captant le tout et prenant des allures de base documentaire, option intimiste de rigueur : ces bribes de tranche-de-vie, marquées du sceau de l’extraordinaire, composent ainsi un cheminement guère linéaire s’adjugeant notre attention. Dans cette lignée, impossible de ne pas aborder la question du « found footage » ou tout du moins l’utilisation détournée qu’en fait Chronicle : spoiler, quitte à aller vite en besogne, le procédé va s’essouffler peu à peu.
Primo, Josh Trank et Max Landis (au scénario) s’émancipent rapidement du found footage stricto sensu, la perte du précieux matériel dans le tunnel et son remplacement immédiat annonçant que différentes optiques seront employées. Son emploi à des fins d’enregistrement continue s’estompant, nous concluons donc qu’avoir opté pour cette approche visait surtout à entretenir le premier degré et l’envergure confidentielle de l’intrigue : convenons que c’est plutôt judicieux en tant que tel. Mais, secundo, la justification de la prise de vue en temps réelle va perdre de sa superbe à mesure que Chronicle en multiplie les sources : car si nous pouvions entendre qu’Andrew poursuivre maladivement l’exercice, la caméra de Casey ne cristallise que trop bien le cul-de-sac dans lequel va s’embourber la réalisation.
Il est, par voie de conséquence, intéressant de noter que Chronicle va exagérément lâcher la bride dans son dernier quart d’heure, mettant à nu ses moyens réduits (douze petits millions de dollars, une prouesse au demeurant) mais jusqu’alors bien utilisés : ceci pour dire que sa débauche de violence et son crescendo implacable vont ainsi permettre d’en masquer les limites, l’éclatement de la bulle intime aux yeux de tous marquant une nette rupture... cocassement au moyen de plans de caméras que nous devinons extradiégétiques. Ce point d’orgue, certainement « too much », apporte aussi une conclusion logique à ses quelques axes, le principal résidant naturellement en la personne d’Andrew… ou l’incarnation des biens et maux du film.
Car, comme évoqué plus haut, Chronicle n’est finalement guère subtil en ce qui concerne, à divers degrés, son trio hors-norme : Andrew est à ce titre un amoncellement de poncifs des plus communs, brimades scolaires et paternelles alimentant généreusement un complexe d’infériorité palpable qui, curieusement, se muera en son pendant « supérieur » à la faveur d’un délire de prédateur alpha. À son extrême opposé, Steve est un leader naturel dont la célébrité et le franc sourire en cache les failles, celles familiales l’amenant à se rapprocher davantage de son « meilleur ami » ; enfin, au milieu, Matt joue une partition plus discrète et terre-à-terre, invoquant à la fois les liens du sang (qu’il défendra jusqu’au bout, borné le garçon) et de la camaraderie.
Chose paradoxale s’il en est, les rares nuances que balbutie Chronicle sont de fil en aiguille suffisantes pour convaincre, la relative cohérence de cette triade étant de surcroît bien aidée par sa brochette de comédiens attachants : pour preuve, Steve aura été un tel modèle de sympathie que son trépas, pourtant soudain et confus, nous conduira au-devant de sentiments contraires… telles que la frustration et l’émoi. Bien d’autres détails pourraient abonder dans l’idée que ce premier long-métrage de Josh Trank est perfectible, mais derrière toute perfection il y a d’abord un fond engageant : il va donc sans dire que Chronicle aura amplement réussi son coup.