C’était en novembre 1956, là où le récit de Cinema Paradiso commence, que le grand succès de Jacques Brel Quand on a que l’amour était interprété pour la première fois. L’amour est au cœur (eh oui) du premier long-métrage de Giuseppe Tornatore, sicilien d’origine qui dans son récit conte les souvenirs nostalgiques de Salvatore, à l’aube de son apprentissage dans la cabine de projection d’Alfredo. En 1988, c’est à Giuseppe Tornatore de composer son hagiographie au cinéma pour lui déclarer son amour.
Salvatore, cinéaste en vogue à Rome, joué par Jacques Perrin reçoit un appel de sa mère. Voilà des années qu’il n’est pas rentré au pays, en Sicile, mais Alfredo vient de mourir et sa mère se devait de l’appeler pour le tenir informé. Pour Salvatore, c’est tout un pan de son passé qui s’écroule. À travers l’odyssée temporelle de Salvator, gamin puis adolescent, on assemble les bobines du film de sa vie forgée entre l’office où il était enfant de chœur et la salle de cinéma paroissiale, en particulier la cabine de projection où régnait Alfredo (Philippe Noiret). À force de traîner dans les pattes du projectionniste, Salvatore va finir par ruser pour apprendre le fonctionnement de la projection d’un film au Cinema Paradiso.
Alors que Dieu ennuie inévitablement Salvatore, le gamin malicieux se tourne vers la lumière émanant de la petite lucarne de la salle de cinéma. Au fur et à mesure que les liens se tissent entre les deux, Alfredo devient un père spirituel de substitution pour le petit Salvatore. Ensemble, ils font de la salle de cinéma un lieu de vie qui remplace petit à petit l’Eglise paroissiale. Les spectateurs viennent pour rire, échanger des paroles virulentes, des espiègleries, s’échauffent et se bousculent pour assister aux séances. Le cinéma devient un nouvel espace d’initiation pour la jeunesse qui découvre tout un pan de la vie, notamment l’érotisme, qui lui était cachée jusqu’ici. De cette relation fusionnelle, Salvatore et Alfredo émerveillent et illuminent le bourg grâce à la lumière du cinéma qui s’étend bien au-delà de l’écran de la salle.
« Quand on a que l’amour
Pour meubler de merveilles
Et couvrir de soleil
La laideur des faubourgs«
Dans son récit métaphorique, G.Tornatore présente une lumière cinématographique qui éblouit jusqu’à l’aveuglement mais c’est une manière, selon Alfredo, d’y voir « plus clair ». L’essence du cinéma ne réside-t-elle pas là : s’éblouir de la beauté romanesque de ce 7e art pour élargir sa vision du monde et de soi-même ? Alors qu’Alfredo s’est perdu au fil des ans suite à son départ à Rome pour développer sa patte artistique, on assemblera les pellicules de sa vie, celles de ses désillusions sentimentales, pour retracer l’histoire du déclin du Cinema Paradiso. Le cinéma, cet art de la nostalgie, atteint son apogée avec la dernière scène du film dans laquelle Salvatore est submergée d’émotions au visionnage du montage des images censurées de tous les baisers gardés par Alfredo. Reconstitution de l’émotion cinématographique. Hommage rendu à l’amour. Souvenirs ineffaçables d’un amour cinématographique partagé entre Salvatore et Alfredo.
« Quand on a que l’amour
Pour tracer un chemin
Et forcer le destin
A chaque carrefour"