A chaque fois que je vois un mauvais film, j’ai toujours tendance à dire « j’en ai vu des daubes, mais alors là… ». Et je décide donc de perpétuer la tradition car j’en ai vu des daubes, mais alors là… Soyons donc très clairs et sans concessions dès le début : 50 nuances de Grey est une abomination. Je m’attendais à la catastrophe et sur ce point, on ne peut pas dire que j’ai été déçu. Je n’ai pas lu le bouquin de base et je m’en foutais un peu, ne partageant donc pas les avis négatifs qui ont pu être émis sur le présumé torchon. Mais voilà, il y avait un fait annonciateur de la catastrophe cinématographique : une interdiction aux moins de 12 ans pour un film qui ne parle que de cul (mais vraiment que de ça). Quand tu penses que certains films se ramassent des -16 pour trois paires de nichons entrevues… On pouvait déjà penser qu’on allait assister à un porno chic complètement aseptisé. Un truc détestable d’avance en somme. Allez, prenons notre courage à deux mains et enfonçons encore un peu plus les portes ouvertes en critiquant un film déjà très critiqué et critiquable.



En fait le terme porno chic ne colle même pas à 50 nuances de Grey. On peut lui juste lui affubler le terme d’érotisme soft, et encore je suis gentil. Car ce film est incroyablement fade et totalement dénué de tension sexuelle. Un comble ahurissant quand tu repenses au scénario de base. Nous voilà donc en train d’assister à la naissance d’une « romance » entre une jeune étudiante gentiment coconne et un multimilliardaire adepte du fouet. Quitte à voir un bon film avec un mec qui agite un fouet, autant regarder Indiana Jones… Non mais vraiment, ce qui m’a réellement frappé tout le long du métrage c’est sa stupidité XXL.

On peut en fait résumer le film en un « Je t’aime moi non plus » sans amour et sans passion. Pardon ? Ah ? C’est censé être une histoire d’amour et il y a bien des sentiments entre les personnages me souffle-t-on dans l’oreillette. Et c’est vrai, en fait le film est censé parler d’amour. Mais il n’y a aucune alchimie entre les deux personnages, tout sonne faux. Alors forcément, impossible de ressentir une quelconque passion, une quelconque tension. Ce film c’est juste le néant le plus absolu en termes d’émotions.

Puis il y a quand même quelque chose de gênant dans ce film : il est purement sexiste, et pas forcément dans le sens que l’on croirait au premier abord. Il est évident que c’est un film destiné aux femmes, réalisé par une femme à partir d’un livre écrit par une femme. 50 Nuances de Grey c’est quand même l’histoire d’une jeune femme qui prend le pouvoir sur un homme puissant grâce au cul. Car elle le « possède » bel et bien, en témoignent les multiples dilemmes moraux rencontrés par le personnage censé être un queutard compulsif dénué de sentiments. Belle mentalité, belle idéologie, bel exemple pour les jeunes filles. On façonne un personnage lambda, imparfait et nunuche histoire que tout le monde féminin puisse se reconnaître dedans et on fait croire qu’il est complètement sacralisé par le richissime homme d’affaires. C’est un film (et certainement un livre donc) qui vend du rêve à chaque femme « normale ». Et le faire de la sorte, c’est juste puant.



Mais s’il n’y avait que ça… Le film est risible du début à la fin. Risible mais pas hilarant car c’est quand même plus ennuyeux qu’autre chose. 50 Nuances de Grey souffre clairement d’un énorme problème d’écriture au niveau des péripéties, au niveau des personnages, au niveau de tout. Tenez ça me donne une idée, on va jouer à Questions pour un champion. Prenons un exemple basé sur le thème « répliques débiles ».

Q : Situons le contexte. Vous êtes une jeune femme. Un homme ultra sexy et richissime vous regarde sans cesse d’un air langoureux. Il s’est déshabillé devant vous une fois et vous a roulé une pelle du tonnerre dans un ascenseur (hahahahaaaa en apesanteuuuur). Il vous invite chez vous, continue à vous regarder d’un air coquin et a clairement envie de votre cul. Il vous fait visiter, s’arrête devant une porte et dit « This is my playroom » tout en continuant de vous lorgner d’un air vicieux et en adoptant un ton grave. A ce moment-là vous dîtes :

A) C’est ici que tu t’adonnes à l’acte sexuel ? Salle de jeux car le sexe est pour toi un jeu ?
B) Tu as parlé de « goûts spéciaux », tu as clairement envie de moi… Tu serais pas un peu SM sur les bords avec une installation… spéciale ?
C) Ah, c’est ici que tu ranges ta Xbox ?

Je pense que vous avez deviné la réponse… Cette séquence est vraiment représentative de la connerie manifeste du personnage. Ce n’est plus de l’innocence, c’est de la bêtise pure et dure. Puis ce scénario quoi… Tu te demandes toujours comment Grey tombe pile poil au bon moment sur Anastasia. Le pire étant quand elle va voir sa mère. Le mec la suit toujours et elle ne s’inquiète jamais ? Le type se déplace sur des centaines de kilomètres pour la surveiller alors qu’elle sait qu’il veut la fouetter ? Je ne sais pas, si j’étais une jeune femme et que je me sentais poursuivie par ce genre de bonhomme, j’aurais peut-être tendance à avoir les jetons…

Mais bon, avant on avait eu le droit à une scène où Grey a expliqué bien explicitement au spectateur qu’il a vécu une enfance difficile. Juste après avoir dit à Anastasia qu’il ne dirait pas pourquoi il est devenu comme ça. Si le film s’était contenté de rester dans le flou concernant son personnage. Mais non, tout est explicite. Il n’y a pas ce mystère qui aurait pu rendre le personnage plus ambigu, c’est juste archi démonstratif en plus d’être chiant et débile. Car le film se concentre pendant longtemps sur le fameux contrat avec le jeu du chat et de la souris qui en découle. Mais un jeu du chat et de la souris basé sur du cul et dénué de tension sexuelle, c’est juste emmerdant… Qui plus est sur 2 heures.



Parlons maintenant du plus drôle : Les scènes de cul. Comme je l’ai déjà dit, le -12 ça ne sentait pas bon à l’avance. Et le résultat a dépassé mes attentes, dire que c’est aseptisé relève de l’euphémisme. Bon la nudité n’est pas cachée, c’est déjà ça. Car les américains au cinéma sont experts dans l’art de faire l’amour en restant habillés. Mais ça reste nul. Il y a notamment cette musique romantico-niaise qui passe en boucle à chaque fois. Imaginez le topo, on voit la fille se faire fouetter mais derrière t’as une musique toute douce, toute gentillette. On ne pouvait pas faire mieux pour enlever toute tension sexuelle ! C’est du délire ! Du pur délire !

Sans oublier la scène censée être la plus dure du film, celle où on pouvait voir « jusqu’où ça peut aller ». Mais c’est rien du tout, ce n’est même pas malsain ni choquant ni dérangeant. Ultime preuve qu’on a le droit à un truc insipide qui centre ses enjeux sur le sexe mais qui ne passe jamais la seconde vitesse. Honnêtement, quitte à ne parler que de ça, autant y aller franco, autant créer un univers perturbant. Mais non, à la place on te sert une mise en scène fonctionnelle qui ne te fera jamais ressentir quelque chose de profondément dérangeant ou excitant. C’est du non-cinéma qui refuse les vraies prises de risque, qui reste dans l’adaptation filmique sans aucune vision de cinéaste.

Et en plus, le film n’est sorti qu’un an après La Venus à la fourrure qui évoquait l’univers SM et qui était juste génial (vous pouvez d’ailleurs vous référer à l’article que j’ai pu rédiger dessus). La seule nudité que l’on pouvait apercevoir, c’était un bout de sein pendant 2 secondes. Et pourtant ce film était mille fois plus érotisant que 50 Nuances de Grey avec une tension sexuelle folle, un jeu de domination-soumission juste captivant. Mais derrière il y avait un grand cinéaste et deux supers acteurs. Mais ici tout est tellement prévisible, nunuche et artificiel que ça ne donne rien à l’écran. C’est du vent.

Définition-même de la coquille vide, 50 Nuances de Grey est le genre de film hautement méprisable. Car il est ennuyeux, lourd, pompeux en plus d’être nauséabond. Beaucoup de bruit pour pas grand-chose. C’est juste crétin du début à la fin, dénué d’idées et écrit avec les pieds. Je pense même qu’il est venu à bout de la patience que j’arbore régulièrement avec les sagas merdiques. Parce que Twilight m’a donné l’envie de poursuivre pour me moquer mais là je ne sais même pas si j’aurais le courage d’affronter le deuxième 50 nuances. C'est dire à quel point cet objet filmique m’a dégoûté. Poubelle !
Moorhuhn
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le 20 févr. 2015

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