Il y a eu la Bible, Harry Potter et Cinquante Nuances de Grey. Ce livre a connu un succès énorme, au point d’être adapté au cinéma. Cas de figure on ne peut plus classique à Hollywood. Le livre a beaucoup fait parler de lui à cause de son contenu sulfureux à tendance pornographique (l’auteur de ces lignes n’a d’ailleurs pas lu ledit livre). Enfin bref, si les fans de la série s’attendent à du cul, c’est raté. Si les autres s’attendaient à un bon film, c’est également raté. Le naufrage était pourtant annoncé depuis quelques jours. Universal a décrété un embargo mondial jusque mercredi 10h du matin soit le jour de la sortie du film. Généralement, quand il y a un embargo pour un film jusqu’à la sortie de celui ci, c’est très mauvais signe. Autant dire qu’avant même de voir le résultat, ça ne sentait pas bon du tout. Ce système d’embargo n’a d’ailleurs aucun sens. Les invités aux visions de presse / avants-premières n’y sont pas soumis tandis que les journalistes le sont. La logique de certains distributeurs ne cessera de nous surprendre.

Ce qui marque de prime-abord, c’est le vide intersidéral du scénario. On est franchement en droit de se dire que Kelly Marcel est une très mauvaise scénariste (ce qui est sans doute vrai mais on y reviendra par après) mais, le matériau de base vient de l’auteure du roman : E.L James. Qui l’eut cru ? Il y a pire que Marc Lévy. Oui oui. La littérature a probablement connu un cataclysme avec la sortie de ce bouquin qui ne raconte rien. D’avis d’autres personnes, le film est une adaptation fidèle du roman ce qui pose question. Il ne se passe rien d’intéressant du début à la fin. Le film qui dure près de 2 heures passe déjà les ¾ du temps à poser les bases/faire mousser les spectateurs, biffez la mention inutile. On essaie de nous faire croire que les personnages ont une quelconque personnalité hors du commun avec un soupçon d’intelligence mais soit, la sauce, blanche bien sûr, ne prend jamais. E.L James est donc une très mauvaise auteure. Mais Kelly Marcel est presque une plus mauvaise scénariste. En effet, quand le matériau de base est trop faible, pas assez consistant et, dans ce cas ci, trop mauvais, on s’arrange pour rajouter/modifier des éléments afin de donner du corps au récit. Rien de tout ça, c’est d’une platitude sans nom. Il n’y a aucun enjeu et le générique de fin apparait comme une libération. Il va sans dire qu’adapter au moins deux volumes de la série en un film aurait été plus pertinent qu’un film par livre tant c’est indigeste. La logique pécuniaire étant là…

À propos de la sauce. Parlons-en parce qu’on n’en voit pas. On ne voit pas non plus la viande. Publicité mensongère. A force de vendre 20 minutes de sexe (pour un film qui dure près de 2 heures rappelons le), il faut que les scènes de sexe en questions soient à la hauteur de l’événement et de l’attente. Ce n’est absolument pas le cas. On ne voit rien du tout. Rien du tout. Un film de boules diffusé sur AB3 ou Canal + est plus explicite et plus excitant que cette mascarade à gros budget. Oui, on se fout clairement du spectateur. Ces scènes sont aussi très suprenantes. L’héroïne du film est parfois carressée avec divers accessoires dont une plume de paon. Si quelqu’un a déjà eu un orgasme comme elle en a dans le film rien qu’avec des caresses de plume de paon, cette personne peut se faire connaitre, une analyse physiologique serait intéressante. Ah oui, et si quelqu’un, au 21e siècle, se caresse encore les lèvres avec un crayon, qu’on nous prévienne parce qu’on a trouvé ça très drôle et pas sensuel pour un sous.

Il est important de remercier la présence d’esprit qu’a eu Charlie Hunnam quand le scandale le concernant a éclaté. Il devait initialement incarner Christian Grey mais, suite à la pression des fans, il a quitté le projet et a été remplacé par Jamie Dornan. Heureusement, Charlie a fait le bon choix et ne s’est pas retrouvé dans cette galère. On ne va pas se mentir, Jamie Dornan est beau gosse. Mais niveau charisme, c’est assez incroyablement nul. Le burger dégusté après la séance en avait plus que lui. Il n’est pas mauvais en soi mais son personnage n’a déjà pas énormément de personnalité alors si en plus il n’apporte rien, autant dire qu’il ennuie. Dakota Johnson a un peu plus de mérite mais ça n’est tout de même pas folichon. Elle fait le job, point barre. Les seconds rôles ne sont pas beaucoup mieux. Luke Grimes (American Sniper) et Eloise Mumford font pâle figure, Marcia Gay Harden est beaucoup moins inspirée que dans The Newsroom, Max Martini est transparent et Rita Ora va donner envie aux gens de pouffer de rire.

Enfin, on ne peut conclure cette critique sans mentionner la mise en scène de Sam Taylor-Johnson. Ou plutôt l’absence de mise en scène. Bizarrement, Seamus McGarvey qui n’est pourtant pas le premier venu, fait ici une de ses plus mauvaises photographie. C’est absolument horrible visuellement et parfois, ça frôle même l’amateurisme. Tous les plans larges sont flous et ce la se voit. Pour le reste, Sam Taylor-Johnson a l’air de patauger et de ne jamais savoir quoi montrer à l’écran. Ses plans sont pour la plupart sans intérêt et sans recherche, carrément aléatoires. Le niveau zéro de la mise en scène. A la musique, le bon mais pas toujours inspiré Dany Elfman fait un boulot particulier. En soi, sa partition n’est pas mauvaise mais elle ne colle pas à ce que l’on voit à l’écran, il n’y a pas de cohérence. Ce n’est finalement qu’un élément de plus dans ce blockbuster soit disant porno à deux balles.

Le constat est cinglant, cette adaptation tant attendue des fans du roman est une calamité et une mascarade marketing à grande échelle. L’histoire est d’une nullité pas possible, la mise en scène est inexistante (c’est même une insulte aux vrais metteurs en scène d’appeler Sam Taylor-Johnson une réalisatrice), le casting patauge et les scènes de sexe soit disant sulfureuse font l’effet d’un soufflé. C’est ce qu’est le film finalement. Le mieux, c’est encore de simplement passer son chemin.
ThibaultVandeWe
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le 11 févr. 2015

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