Sorti en avril 1942, quelques mois après l'entrée en guerre des États-Unis, Cinquième Colonne (l'expression fait référence aux partisans, au sein d'un État ou d'une organisation, d'un autre État ou d'une autre organisation hostile) offre alors au public américain une histoire d'espionnage d'une brûlante actualité. Barry Kane, un ouvrier de l'industrie aéronautique, est accusé - à tort - d'avoir provoqué l'incendie de l'usine d'armement dans laquelle il travaillait, et où son meilleur ami a péri. Afin de prouver son innocence, il se lance seul, sans moyens et poursuivi par la police, sur les traces du véritable saboteur. Cette course-poursuite effrénée le conduit de Los Angeles à New York, en passant par les étendues désertiques des hauts plateaux californiens et la ville-fantôme de Soda City... En chemin, des rencontres heureuses et d'autres moins opportunes lui permettent, peu à peu, de s'approcher de la vérité. Avec l'aide de Patricia Martin, une charmante et débrouillarde mannequin rencontrée au début de sa cavalcade, Kane finit par découvrir l'existence d'une organisation œuvrant dans l'ombre pour déstabiliser l'effort de guerre américain par le biais de multiples attentats.


Cinquième film américain d'Alfred Hitchcock, Saboteur (son titre original) est une excellente histoire d'espionnage à l'ancienne. À l'époque, l'information circulait encore par courrier, télégramme ou téléphone filaire, et les technologies modernes basées sur l'image n'avaient donc pas encore ôté tout le romantisme du genre. Ce qui rend donc possible cette longue (et géniale !) traversée des États-Unis, au cours de laquelle, un peu comme dans un road movie, Kane croise des personnages atypiques et attachants : un chauffeur routier amical, un vieil aveugle humaniste, sa jolie nièce méfiante, et une étonnante troupe de freaks de cirque partagés entre la compassion et le rejet. Autant de rencontres qui vont lui permettre d'affirmer distinctement ses convictions patriotiques, déclamées avec force et un brin de naïveté lors de sa dernière confrontation avec le chef de l'organisation :



Ces quatre ou cinq derniers jours, j'ai beaucoup appris. J'ai rencontré des gens comme vous, et d'autres. Des gens serviables qui veulent bien faire, des gens qui prennent plaisir à s'entraider contre le mal. L'amour ou la haine : le monde choisit son camp. Je sais dans lequel je suis. Beaucoup de gens sont de mon côté, des millions dans chaque pays. Nous ne sommes pas faibles, nous sommes forts. Nous lutterons debout et nous vaincrons ! Nous vaincrons même si ça prend l'éternité !



Au-delà de l'action, Cinquième Colonne explore et exploite les thèmes du savoir, du mensonge et de la vérité. Dans ces circonstances très particulières, l'information et la façon de s'en servir peuvent s'avérer vitales. En deux occasions, Kane échappe ainsi de peu sinon à la mort, du moins à l'arrestation : d'abord quand il se présente candidement au ranch de Tobin, cerveau de l'organisation ; ensuite lorsqu'une Patricia encore très méfiante le conduit soi-disant chez le forgeron pour lui ôter ses menottes. Une fois qu'il comprend que, dans sa quête de vérité, le mensonge est meilleure arme, Kane lui-même réussit à se faire passer pour un membre de l'organisation secrète, et pénètre au sein de leur repère new-yorkais !


Interprété sans flamboyance mais avec justesse par son duo vedette Robert Cummings-Priscilla Lane, le film offre en plus d'un scénario soigné quelques scènes visuellement marquantes, que ce soit par leur composition ou par le beau noir et blanc de la pellicule. L'incendie de l'usine au début est esthétiquement très réussi, les séquences à Soda City sont saisissantes, la longue scène du gala de charité où le couple, pris au piège, se réfugie au milieu de la foule, est particulièrement haletante, et enfin le dénouement en haut de la statue de la Liberté est évidemment mémorable. Non sans présenter des similitudes avec d'autres de ses films, comme Les 39 Marches sept ans plus tôt et La Mort aux trousses dix-sept ans plus tard, Cinquième Colonne n'est peut-être pas un Hitchcock majeur, mais en tous cas bien plus qu'un opus mineur dans la colossale filmographie du Maître du suspense.

The Maz

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9

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