City Hall
7.4
City Hall

Documentaire de Frederick Wiseman (2020)

De la démocratie en Amérique... (OUI C'EST UNE RÉFÉRENCE À TOCQUEVILLE)

C'est sûrement le documentaire le plus important de l'année pour les américains (svp Senscritique mettez ma critique en avant sur votre site <3)!


Je connaissais pas du tout le réalisateur mais je dois lui reconnaître une force de réalisation stupéfiante: pendant 4h30, on écoute des personnes s'engager pour leur communauté (mot rendu intéressant dans le documentaire au passage, de par la dimension américaine qu'on ne lui donne pas en Europe). On voit des discours d'un maire dévoué, qui ne paraît pas professionnel de la politique, qui a envie de tenir ses promesses... et on voit des personnes parler de la politique de la ville, jusqu'à voir des citoyens de quartier populaires embraser le feu de la démocratie et de prendre part au débat les concernant (à propos de l'ouverture d'un magasin de beuh), là où jamais nous aurions parié que ces personnes se préoccupaient de la politique locale au point de prendre part au débat.


Au final, ce qui me fascine le plus, c'est l'anti-trumpisme de ce documentaire (la date de sortie proche des élection n'y est pas pour rien mais... quel prolétaire trumpiste va s'enfiler 4h de documentaire de gaucho?) qui n'est jamais bruyant ou surfait.
Et en parallèle de cela, on a une image de l'Amérique super intéressante, qui laisse comprendre pourquoi ce peuple à créé la pop culture. Cet exemple est sans doute personnel mais je retiens la scène où des personnes parlent du lendemain de guerre et du retour au pays. Soudainement, Marty Walsh (le maire de Boston) arrive, et nous dit qu'il n'a jamais fait la guerre. Puis là, il se psychanalyse en public, fait le lien avec les soldats, amène ce beau monde vers des idéaux et valeurs républicaines, tout le monde est prêt à le suivre au bout du monde. On a un exemple de politique orientée à gauche aux US super touchante, qui conserve cet esprit autocentré américain, le fait de parler de soi pour aller vers des valeurs universelles.. bref, c'était très touchant et intéressant de voir ça en image dans tout le film. Puis on voit cet homme faire des efforts qui sont des promesses au début... mais qui semblent payer et exploser dans un discours final qui donne le frisson.


4h30... je n'arrivais pas à croire que des critiques disaient n'avoir pas vu le temps passer. N'ayant jamais vu un projet si long au cinéma, j'ai un peu fixé sur le temps qui passe. Mais en n'y allant sans rien savoir, je dois avouer que je n'aurais pas vu le temps passer. À aucun moment, nous voyons des interviews face caméra. Le réalisateur parvient à s'effacer derrière un propos si grand, si rempli d'amour et d'espoir que l'absence de fil conducteur n'est jamais une contrainte: au contraire. On voit tous ces gens parler de sujets qui leurs sont chers (féminisme, pauvreté, question du logement, discrimination dans les contrats publics), et on y croit, parce que ces gens, on les espionne dans le quotidien, quand ils se plaignent aux dirigeants parce que leur vie socio-économique en dépend. Tout cela donne de la distance entre le "personnage" et le spectateur pour l'encrer dans un réel plus que réel, authentique quoi.
Et puis à travers tous ces sujets dont on écoute des débats hyper riches, il en ressort des idées sur la démocratie et les minorités, la force du politicien locale (le passage où le maire dit "il suffit d'une ville" est juste OMGGGGG de justesse) et ça me fait penser à Tocqueville... à une manière si différente de penser l'organisation sociale. Tout comme le rapport aux groupes sociaux: à Boston, ces groupes existent et on en parle ouvertement, c'est une réalité, et on la fait avancer en demandant à la minorité comment aller de l'avant. On voit des noirs parler de noirs, de femmes parler d'inégalités salariales...


Et je me dis que ces gens, ils ont obligatoirement été influencés par la pratique politique de leur maire. C'est juste génial, limite jouissif de voir un homme croire en ses valeurs et redresser la barre peu à peu, dans un cadre démocratique où tout le monde parle et se laisse entendre, à commencer par le réalisateur qui capte juste des moments de la vie des intervenants sans artifices (on ne choisit pas les sujets, on capte ce qui sont sur l'agenda politique, les dialogues et les plans durent longtemps, on s'en fout du bégaiement de monsieur, on capte le fond de sa pensée et la réponse du chargé de la commission....) et juste pour cela, c'était une expérience de cinéma inoubliable et incroyable dans cette année pauvre en cinéma qui remue les consciences.


Bravo Fredo Wiseman,
Bravo Marty Walsh,
Vive le dialogue et le progrès,
Tout sauf Trump au final.

morenoxxx
10
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le 21 oct. 2020

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morenoxxx

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