Avec Cléo de 5 à 7, Agnès Varda émerge de la nouvelle vague avec brillance. Son approche au féminin lui donne une portée plus profonde et plus large que celle de ses confrères et lui assure du même coup une meilleure postérité. Désolé messieurs. Elle emprunte pourtant la même avenue qu’eux, pour exprimer le mal être de sa génération, soit celle de l’errance. Plusieurs films de cette époque s’écrivent autour d’un personnage vivant une détresse passagère, déambulant et ne sachant pas où cela les mènera. Certains vont provoquer le destin (À bout de souffle, Classes tout risque) d’autres vont chercher le réconfort dans l’humour, l’amitié et l’amour. C’est le cas de Cléo, une chanteuse de métier qui entreprend une ballade angoissée de deux heures à travers les rues de Paris, convaincue que le médecin l’attend avec un diagnostic de cancer. La caméra la prend en filature saisissant autant ses états d’âme que le monde qui l’entoure. Paris est merveilleusement filmé, tout comme le peuple qui l’habite. La réalisatrice emprunte quelques procédés à la mode à ce moment-là, mais de manière très sobre. La scène d’ouverture en couleur, un close up repris en mitraille, des surtitres découpant l’histoire en treize chapitres faisant référence aux cartes de tarot tirées en levée de rideau. Pas d’effets gratuits, rien pour déranger le spectateur du cheminement de la protagoniste. À défaut d’être toujours juste, Corinne Marchand demeure crédible et intéressante à suivre. La musique et la présence de Michel Legrand contribuent à immortaliser l’œuvre.