Clerks II
6.8
Clerks II

Film de Kevin Smith (2006)

Dix ans après, les deux copains Randal et Dante ont grossi. Et sont toujours des grosses merdes. Enfin c'est ce que se dit Dante, hideux mutant qui se torture à propos de son avenir alors qu'il n'a pas la force de faire quoi que ce soit pour le concrétiser en quelque chose de suffisamment bien à son goût. Telle une grosse merde dans un siphon, il fallut un attendre un coup de pouce du destin sur la chasse d'eau de la vie pour qu'un changement ait lieu dans la vie de ces cons. Un incendie dû à une cafetière ravage le légendaire Quick Stop, décor principal du premier opus, les laisse glisser via un conduit magique vers un nouveau boulot, un nouveau lieu qui va leur permettre de se confronter avec plus de clients ainsi que des collèges : un fast-food.


Alors que Clerks premier du nom reçut Le prix de la Semaine de la critique à Cannes en 1994, ce deuxième volet prit par la critique une tout autre catégorie de volée. L'ambition artistique est revue à la baisse, se contentant de divers clins d’œils à son prédécesseur sur quelques plans, qui sont cependant bien emmenés et donnent sourire jusqu'aux oreilles. La couleur remplace le noir & blanc, mais une certaine intemporalité se mêle au côté actuel du film, qui dérive vers un penchant sitcom.


Là où le premier était un film à sketchs ambitieux, ici il y a un fil conducteur, une construction. Là où tout s'enchaînait via des ellipses quelque peu faciles, on pouvait y trouver une certaine lourdeur sur la longueur du premier, chose qu'il n'y a plus. Ici, la construction fait que tout s'enchaîne de manière cohérente et permet donc un certain amorti entre toutes ces scènes fortes et ces dialogues toujours aussi croustillants que potaches. Ce qui a donc la faculté de décupler la puissance humoristique ou dramatique de l'écriture propre à Kevin Smith. C'est un peu comme si on avait Dark Side of the Moon et Animals en fait. L'un marche plus sur le tube, le morceau, alors que l'autre se veut comme quelque chose d'entier. C'est a ça qu'on reconnaît qu'Animals est bien meilleur. C'est une œuvre complète à prendre telle quelle. Là c'est pareil, Clerks 2 est mieux foutu, meilleur.


Trêve d'égarement avec Animals, revenons à nos moutons. Clerks 2 n'est plus un modèle comme son aîné, mais quelque chose qui s'inspire du cinéma et la télévision actuelle, tout en gardant la patte de Clerks. Un peu comme une femme qui refait quelque chose en elle. Comme son néné. On garde la base, on le modifie avec quelque chose qui plaît. Et le fait de garder cette base, fait que c'est bien. C'est toujours Clerks mais avec plus de sex-appeal. C'est décalé, c'est salace. On prend du plaisir à découvrir chaque enchaînement dans l'évolution du film, contrairement au premier, pour une fin bandante digne d'un bouche-à-cul.


Car le point fort du film est toujours l'écriture de Kévin Smith. Les traits sont souvent grossis pour atteindre un what the fuck fort sympathique, mais c'est toujours réalistes comme en témoigne la confession de Dante à propose de l'ouverture de bal d'un mariage. Un cauchemar partagé. Ce sujet est d'ailleurs autant source de vannes comiques que dramatiques (les punchlines de Randal), que de spectacle mignon (la danse sur le toit), que de vrais réflexions sur la condition actuelle de Dante par rapport à cette attente. On s'y retrouve forcément, que ce soit en Dante, Randal ou Becky, dont les rôles ne pas interprétés comme de vulgaires singes-de-porche. Le coup de gueule sur le racisme du tocard est d'ailleurs bienvenue. Le racisme par dénomination n'existe que parce qu'on ose y penser comme des fragiles sans croire à l'ouverture d'esprit des autres. Enfin je crois.


Bien plus qu'une simple comédie aux références exquises (Seigneur des anneaux VS Star Wars), Clerks 2 a le mérite de remettre en question notre place dans la société par rapport à ce qu'on pouvait en attendre auparavant. Que ce soit aussi bien sur le plan professionnel, amoureux ou de notre entourage. Comme avec ce pote connard, qui nous fout dans la merde et qui n'arrête pas de faire le con. On se dit qu'il aurait mieux fallut le buter ou le dégager avant que tout s'enchaîne. Alors que bien sûr c'est faux. Car finalement, ce pote n'est-il pas la pierre toute moche qui manque à notre édifice pour que tout soit équilibré ? Et que finalement, cette vie simple entre grosses merdes, n'est-ce pas tout ce dont nous avons besoin ?

Alex-La-Biche
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le 25 sept. 2016

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