Ce n’est pas avec facilité que j’ai décidé de parler dans une critique de Gaspar Noé tant ce cinéaste a déchaîné les passions, chez ses défenseurs comme ses détracteurs, et tant j’ai du mal à me positionner vis-à-vis de ses films. D’autant que la première fois que j’ai voulu voir un de ses films, le très controversé Irréversible, je n’avais vu à ce moment là qu’une avalanche de provocation crasseuse sans me demander si il n’y avait pas un but derrière ses choix esthétiques et de narration (promis, je le reverrais).


Et j’ai vu la presque intégralité de sa filmographie par la suite ou chaque film a plus ou moins fait polémique ou scandale : que ça soit Seul contre tous qui m’a laissé perplexe bien que loin d’être inintéressant, Enter The Void qui est d’une esthétique somptueuse mais trop long pour ce qu’il a à raconter et plus proche de l’exercice de style qu’autre chose, et enfin Love en 2015 qui était à l’antithèse de ce que montrait le premier opus de Cinquante Nuance de Grey la même année et assumait ses parti-pris et ce qu'il vendait même si je garde quelques réserves.


Concernant Climax, j’avais été surpris qu’il n’ait pas fait crier les gens lors de sa présentation à Cannes (le dernier Lars Von Trier s’en est chargé) et par pure curiosité j’ai pris le risque de le voir en salle sans me douter que ça serait une belle mandale dans la gueule. Plus j’y repense et plus l’impression qu’il m’a laissé après le visionnage se bonifie. Car son dernier né, est un film sensitive et visuelle qui mérite de se vivre en salle et ou tout ce que je pourrais habituellement reprocher à Gaspar Noé se raccorde parfaitement pour une longue descente aux enfers par une communication visuelle et physique époustouflante.


Si Love utilisait les scènes de sexe comme principale élément de communication de l’état mental entre Murphy et Electra, Climax passe par la danse et le jeu de couleurs artificielle de la maison (Benoît Debie collaborant toujours en tant que chef opérateur depuis Irréversible). Principalement entre le rouge à divers nuances, un peu de bleue plus tendre et le vert saturé mise au service de l’état d’esprit de ce groupe de danseur urbain dans cette maison isolé de tout. Gaspar Noé nous met rapidement en garde dés le deuxième plan du film présentant le groupe par un vieux téléviseur et les VHS et livres assemblés autour servant (dont les cassettes de Suspiria de Dario Argento et Possession d’Andrzej Zuławski faisant partie de ses sources d’inspirations filmique) et fait le choix de concevoir son film sur une trame minimaliste dans la forme mais qui prend tout son sens dans le fond et les événements qui vont rythmer la soirée.


Car même si on n’accroche pas à son univers, Gaspar Noé est sans doute un des techniciens les plus remarquables de ces dernières années qui s’efforce de servir la narration pour rendre ses films immersive ne serait-ce qu’un minimum. Le premier plan-séquence montrant la chorégraphie est présentatif de l’état de sobriété du groupe, de contrôle et de cohabitation stable tant dans la danse que dans l’atmosphère et aux dialogues entre potes salaces, naturellement joué et en grande partie sexuellement épicé et filmé en plan fixe alternant sur divers échanges entre les membres du groupe qui contraste avec l’ouverture et les deux derniers tiers du film.


Puis intervient le second tiers, de nouveau en plan-séquence ou la descente commence et ou la caméra va suivre ce petit groupe un à un en faux plan-séquence jouant avec l’échelle de valeur quant à la montée en horreur du film qui débute par petit éléments


(la danseuse qui urine dans la salle sans même le remarquer, l’état second qui se manifeste de plus en plus chez les membres, l’expulsion sans preuve d’un membre accusé sans fondement d’avoir drogué la sangria)


, une perte de contrôle de plus en plus marquée, une démence grandissante selon les réactions des membres. Et Gaspar Noé filme les déplacements de façon à ce que tout nous paraisse de plus en plus irréel et l’engagement total des acteurs (Sofia Boutella la première lors de ses crises proche de la possession corporelle et de ses caresses) à cette immersion renforce notre sensation d’emprisonnement et d’affolement qui grandit à chaque minute tant on a la sensation de partir pour un autre monde et de voir une société ou la vie de groupe ne peut mener qu’à la destruction.


Gaspar Noé nous montre un groupe à multi-ethnie (russe, allemande, noir, français, gens de banlieue, etc…) ou la danse devient de plus en plus individuelle et même de plus en plus désarticulé et désaxé dans le mouvement dans certains cas à tel point que la notion de contrôle n’existe plus, la danse de groupe complètement effacé et la musique nocturne choisit servant tout autant que le reste le sentiment de malaise et d’inconfort grandissant de Climax (inutile de m’attarder sur Supernature de Cerronne qu’on a déjà entendu dans le teaser).


Est-ce pour autant que les gens vont plus adhérer à Climax qu’à ses précédents ? Je pense pas, d’autant que le minimalisme de la trame principale pourra facilement en rebuter certains et que les préjugés formés par le public à partir de ses précédents films peuvent facilement rentrer en compte. Mais en ce qui me concerne, je peux dire sans honte que j’ai complètement adhérer à son dernier film en dépit des 10/15 dernières minutes un peu trop étiré. C’est immersif, captivant, cauchemardesque, sensoriel, avec ses propres formes de lecture très pessimiste identifiable à la nature des œuvres de Gaspar Noé et à la réalisation virtuose. Une claquasse que je n’attendais pas, à vous de voir maintenant si vous adhérerez ou non !

Maxime_T__Freslon
8

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Répertoire des films vus ou revus en 2018 et Le cinéma de 2018 : Spécial Top 10 !

Créée

le 23 sept. 2018

Critique lue 346 fois

8 j'aime

Critique lue 346 fois

8

D'autres avis sur Climax

Climax
Velvetman
7

La nuit des morts vivants

Gaspar Noé est un cinéaste à part dans la sphère cinématographique hexagonale. Son style, clivant produit soit une admiration ou un rejet total, en fonction de la perception même du spectateur qui se...

le 18 sept. 2018

156 j'aime

7

Climax
takeshi29
10

Fais pas ch... si tu veux lire une vraie critique, reviens en septembre

Quoi de plus logique que de clôturer cette journée ciné du 22 juin 2018, débutée en compagnie de Andrei Zviaguintsev puis poursuivie à côté d'Abel Ferrara à deux reprises, avec une petite...

le 18 juil. 2018

107 j'aime

30

Climax
Moizi
9

Une critique française et fière de l'être

Séance unique en Guyane pour ce film, je ne savais rien, je n'avais vu aucune image, je ne suis même pas sûr d'avoir vu l'affiche en grand, je savais juste que c'était le dernier Gaspard Noé et que...

le 3 oct. 2018

80 j'aime

4

Du même critique

Les Animaux fantastiques
Maxime_T__Freslon
5

Dans la continuité de ses prédécesseurs... mais pas pour le meilleur.

EDIT ! Y’avait autant de raison d’être enthousiaste et heureux de voir la saga sur le sorcier à lunette au cinéma que d’être inquiet et sceptique quand on voit la politique actuelle des studios...

le 18 nov. 2016

91 j'aime

15

Bohemian Rhapsody
Maxime_T__Freslon
4

God save the Queen !

Queen et le cinéma, c’est très loin de se limiter qu’à ce projet de biopic autour de son chanteur Freddy Mercury et de l’émergence du groupe au cours des années 70. La présence du groupe passe tant...

le 31 oct. 2018

82 j'aime

27

Blade Runner 2049
Maxime_T__Freslon
8

Loneliness and birth !

Dans la grande catégorie des suites tardives ou exploitation de licence qui n’ont pas été demandé, on peut trouver beaucoup de films qui ont vu le jour à l’aube de ce vingt-et unième siècle et...

le 4 oct. 2017

75 j'aime

4