Seul dans la salle, sauf pour un petit vieux dont je questionnais carrément la présence et qui a quitté la salle au bout de 30 minutes, la dernière fois que j'étais aussi excité avant le début d'un film, c'était pour Harry Potter 5, j'avais 12 ans...
Le film débute sur des interviews des personnages du film, que l'on voit sur une TV posée parmi des cassettes et des bouquins. J'y ai vu avec amusement le classique Salò qui obsède encore et toujours le cinéaste argentin, mais aussi d'autres classiques comme Suspiria, Possession, Un Chien Andalou ou La Maman Et La Putain. Des références, mais aussi des inspirations pour le film, Salò pour l'orgie de fin, Suspiria pour l'esthétique néon, Possession pour la crise de Selva, entre autres.
Heureux de voir que Noé nous gratifie d'encore une reprise originale de Satie.
Puis, plan-séquence de 20', hypnotisant, haletant, beau. Esthète, mais esthète pervers, Noé nous offre ici une beauté pure, sans piège. Faisant sans le savoir un vibrant hommage au documentaire "Paris Is Burning", la scène regroupe voguing, krump, whaack, dans une harmonie frappante. Les danseurs sont beaux, tous à leur manière, chacun exprimant son art et sa vision avec une danse bien à lui. Des gestes assurés, de la peau, des cheveux flottants… Un large sourire durant tout le plan.
Le début du film est presque touchant, les gens ont l'air gentil, humble, on dirait des gamins de 18 ans en soirée. Des compliments volent, des sourires se dévoilent... David propose gentiment des verres à tout le monde, prend naïvement la main de Selva pour l'inviter à danser, ce bref moment d'innocence m'a ému, je l'avoue, si tout était si simple... Seul bémol, les discussions, non scriptées, parfois un peu longues, confère les logorrhées lubriques sans fin des deux compères bonnet/casquette.
Puis la drogue commence à monter. Les danses deviennent fiévreuses, les langues plus déliées. Plus le ton monte, plus le spectateur rentre dans le film. Les basses deviennent plus lourdes, la caméra plus leste. Pour tout vous dire, je me suis surpris à plus d'une reprise à agiter la tête et les jambes au rythme de la musique, les basses résonnant dans ma poitrine, mon cœur battant la chamade, ma mâchoire se serrant au rythme des basses, j'en avais presque les mains moites. En même temps que les personnages se rendent compte qu'ils sont drogués, j'avais presque l'impression d'avoir pris la moitié de trop à une soirée techno. L'ambiance minimaliste et sombre de ces soirées est impeccablement retranscrite dans le film, c'est véritablement frappant.
Bref la montée vers le fameux climax se fait, non sans rappeler, surtout avec la danseuse enceinte, un certain Mother!. Mais j'ai trouvé la montée en angoisse moins tendre chez Aronofsky, j'ai été un peu déçu du manque de choc, de tripes des péripéties du film, surtout pour un Noé qui n'a jamais caché son penchant sadique envers ses spectateurs.
La cinématographie également est moins hypnotisante que d'habitude. La caméra flottante, spécialité de Noé, navigue dans tous les sens avec une grâce sans pareille parmi les déboires psychotropes des jeunes danseurs, bercée par les basses lourdes et les néons clignotants. Mais moins de prise d'initiative chez Noé cette fois-ci, il se cantonne presque à des bases établies grâce à Enter The Void ou Irréversible. Mention spéciale pour les images à l'envers, c'est bien trouvé.
Petite parenthèse sur la BO, impeccable. Reprises de grands classiques (Moroder, Hernandez), créations originales de Bangalter ou Aphex Twin, très techno, mais la danse casse avec le traditionnel tapage de pied/coup de poing dans le vide que l’on peut observer dans n’importe quelle boîte actuellement. Les danseurs introduisent des danses travaillées dans du boum-boum finement produit, et ça claque.
Enfin, le constat même, la philosophie du film est parlante. Combien de fois avons-nous assisté, ou même participé, à des excès dûs à l'alcool ou autres ? L'humanité se perd avec les substances, observez vos amis en descente de D à 9h du matin, et noyez-vous dans le vide de leurs yeux à demi-fermés. Soyez témoins des pantins incontrôlables que deviennent vos compagnons de beuverie après un verre de trop. Est-il si extrême d'imaginer un groupe de jeunes sous drogue tuer un de leur camarade sur un coup de tête ? L'effet de foule et les substances font un mélange absolument catastrophique, voilà le postulat de Noé. Les plus malins analyseront les métaphores de la sangria, du drapeau, et extirperont du film sa symbolique plus macro, sur laquelle je ne m’attarderai pas ici.
Bref, Gaspar Noé je t'aime, et c'est pour ça que ma critique peut sembler sévère. J'en attends tellement de toi... Toujours est-il que Climax est un excellent film et allez le voir bonne soirée.