De légers spoils
Que dire de ce film ? Je suis mitigé, et ne sais pas trop si je l'ai aimé ou non. Car on atteint une telle grâce, on touche presque au divin dans les scènes de chant... mais le reste m'a peu emballé, au point même que je me suis jamais senti concerné.
Car, tout simplement, leur histoire d'amour, je m'en suis foutu. Ca ne m'a que peu atteint, et même s'il y a une recherche identitaire derrière tout ça, la vie d'exile entre autre, et bien ça ne m'a pas intéressé. Cette quête identitaire m'intéresse chez Angelopoulos, par exemple... Ces histoires d'amour impossibles, à travers les frontières d'une Europe scindée en deux au milieu du XXe siècle, c'est très prenant, mais ici, pas plus que ça, car la recherche identitaire est trop peu exploitée, et parce que l'histoire d'amour manque à la fois d'érotisme et de vraisemblance.
Néanmoins, la réalisation est absolument magnifique, elle est même impeccable (trop, peut-être ?). C'est d'ailleurs tout ce que j'aime au cinéma. C'est une mise en scène qui se rapproche un peu de celle de Haneke (et donc de son hériter Ulrich Seidl), bien que celui-ci n'ait pas fait de film en noir et blanc à part Le Ruban Blanc . Nous avons énormément de plans fixes, la musique n'est jamais utilisée en dehors des scènes de chants où elle sert la dramaturgie, à côté de ça le film est très silencieux, et il y a de nombreux cut très longs (au moins 3 ou 4 secondes sur fond noir, ce qui est assez long au cinéma). Ce qui fait penser à une série de fragments, comme a pu le faire Haneke justement dans 71 fragments d'une chronologie du hasard . La qualité de la photographie est somptueuse, et les plans qui en découlent également. Un cinéma très géométrique, comme Seidl, avec une caméra qui ne bouge que très rarement. Vraiment, formellement c'est très beau, et c'est peut-être la plus belle utilisation du noir & blanc moderne que j'ai pu voir en terme de beauté purement esthétique du plan (avec, bien entendu, Bela Tarr). Sauf que parfois, j'ai l'impression que la mise en scène ne sert pas le fond, que ça tombe un peu dans l'exercice de style, car le film est trop parfait, et parfois, ça me dérange. Ce film souffre d'un problème d'écriture je trouve... L'utilisation outrancière de l'ellipse dessert le film. Car l'oeuvre manque cruellement de liant, et toutes ses séquences, ces fragments, semblent n'avoir aucune saveur... Trop de moment de stase, le film ne semble pas vivre. J'ai néanmoins adoré cette séquence finale, ce mariage dans un tombeau en ruine, qui se précède d'un suicide organisé, rappelant le suicide de Cléopâtre et de Marc-Antoine dans le Mausolée. Et ces derniers mots sont magnifiques ; assis sur un banc, attendant leur mort, elle lui dit "viens, allons de l'autre côté, la vue sera plus belle." Finalement, c'est là que le film prend du sens ; l'amour-passion ne peut se vivre que dans la mort, car il est éternel, et seul la mort peut permettre à l'homme de parvenir à une éternité.
Je n'ai donc pas été très touché par toute cette histoire, plutôt mal écrite, bien que follement bien réalisé. Mais... Mais pourtant... Il y a ces scènes de chants, des chants folkloriques, bohémiens, parfois même à l'empreinte religieuse, et ce sont des moments absolument divins, on y atteint quelque chose que j'ai rarement ressenti au cinéma. Ce premier chant de l'héroïne, lorsque celle-ci insiste pour chanter le refrain de ce qu'elle chante, c'est à en pleurer tellement c'est beau. Le réalisateur à réussi à capter un sublime derrière tous ces chants, qui ne sont pas des chants classiques qui plus est. Et rien que pour cela, le film m'a malgré tout transcendé, notamment pendant la première demi-heure.
On y trouve une beauté salvatrice, et on y trouve un certain salut. Que Dieu semble si proche, dans ces moments de grâces.