[Festival du film coréen 2016 à Paris - Jury SensCritique]


Vu l'affiche présentant une créature typiquement anthropomorphe, je me préparais à assister à un film humoristique, absurde, comme toute cette vague de films (souvent DTV) japonais (Executive Koala, Calamari Wrestler entre autres). Mais en fait pas du tout, ou du moins pas totalement.


Gu est un jeune homme transformé en poisson suite à un test pharmaceutique rémunéré mais raté, où le but était de se rendre cobaye pour des pilules censées résoudre la faim dans le monde (à base d'Oméga 3...).
On en revient d'ailleurs au documentaire « Reach for the Sky » vu précédemment lors du festival, où les étudiants, livrés à eux-mêmes pour réussir absolument sur un parcours formaté, manquent logiquement d'argent et sont prêts parfois aux pires choses pour vivre décemment, dont des tests de médicaments.


Le père de la victime valide d'ailleurs en partie cette interprétation, en lui injectant des reproches sur le fait que si il a été transformé de la sorte, c'est qu'il n'a pas suivi sérieusement ses conseils pour finaliser ses études de fonctionnaire... Un père qui d'ailleurs, n'a que ses « bons » principes pour lui, ne pensant finalement qu'à récolter de l'argent du procès contre l'entreprise responsable de la transformation de son fils. Et tous les personnages ou même la société dans son ensemble (médias compris) que rencontre Gu, censés le soutenir, agissent pour leurs propres intérêts, que ce soit pour la popularité, la reconnaissance sociale, professionnelle... Et surtout pour l'argent, évidemment.


Je pense au scientifique responsable, qui se fait finalement manger par plus gros que lui tout en se faisant avoir par sa propre création, alors qu'il avait lui-même l'antidote de guérison.


Jamais ils ne penseront une seule fois à ce pauvre homme-poisson, qui se laisse aller, trainer un peu partout sans jamais pouvoir s'exprimer réellement sur ce qu'il a été, ce qu'il veut, ce qu'il ressent, et sur l'horrible malédiction qu'il a eu et comment la résoudre. C'est terrible et finement retranscrit.


Gu est le personnage central, martyr et bouc émissaire, qui révèle naturellement toutes les tares d'une société individualiste, matérialiste et intéressée.
Mais le réalisateur, d'une main de maitre, dépeint tous ces sujets avec finesse et humour, sans jamais verser dans le pathos ou le misérabilisme, et c'est en soi une prouesse vu la multitude de thèmes abordés. Ceci dit, à tout vouloir rendre lisse et accessible, il manque fatalement des scènes marquantes et un aspect émotionnel de mon point de vue nécessaire.
Mais Collective Invention se rattrape aussi visuellement, entre images d'une propreté impeccable, extraits TV versants dans la crasse débilitante (mais drôles) et cet homme-poisson physiquement crédible dans son rôle de victime anthropomorphe en perdition absolue.


La fin est aussi fine et bien trouvée.


Au final seul Gu s'en sort. Ecoeuré, il préfère continuer sa vie d'homme-poisson. Il remporte ainsi une liberté totale et méritée, qu'aucun autre personnage du film n'acquiert.


Collective Invention, sous ses airs de film idiot, est une bonne surprise aussi dramatique que drôle, d'une rare intelligence revendicatrice.

Raoh
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le 31 oct. 2016

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