Rush, déjà usé, a mis un terme à sa carrière sur un Razzie Award. C’est triste. Ou peut-être pas tant que ça : Rush a toujours été un marginal qui s’assumait dans un mauvais cinéma produisant de bons films. Pour La Couleur de la Nuit, il a poussé le bouchon un peu loin mais il récupère Bruce Willis, une solide compensation qui fossilise l’œuvre dans son succès VHS, & franchement, c’est vrai il n’y a pas beaucoup de films qui sentent aussi fort le videostore.
Le film ne sait absolument pas manier le néo-noir & c’est ce ratage dans une ambiance voulue si forte (avec aussi la grosse quantité d’écriture qui est allée dans le script), qui lui donne sa patte si particulière. Élaborant une histoire criminelle entre des personnages hautement névrosés qui sont quasiment tous en psychothérapie, le film est le résultat d’un travail immense mais se résume à un fourbi mémorable de personnalités passées au mixeur sur fond de scènes défilant trop rapidement, sans cohésion, & qui ne sont dépassées en bâclage que par le montage sonore – Rush n’a jamais rien fait de pire que ses montages sonores.
Maintenu en vie par une représentation très informelle d’une Californie suante & grasse (franchement, quel meilleur flic post-Columbo typique que cette montagne de clichés tenue par Rubén Blades ?), notre intérêt de spectateur s’accroche à quelques réussites étranges, comme le goût de Rush pour l’érotisme, l’horreur & une course-poursuite particulièrement décente. Le jeu est mauvais, sauf chez Willis & Dourif ainsi que quelques extras qu’on laisse déborder pour le meilleur du pire, cependant Rush a du succès quand il montre vouloir à peine survoler la névrose des personnages.
Tout en laissant glaner par ci par là un indice (car La Couleur de la Nuit est quand même un thriller plutôt alambiqué), le film arrive dans la douleur à créer un freakshow psychologique parfait qui le rend enjaillable : un effet presque durable pour peu qu’on n’attache pas trop d’importance à un happy end sorti de nulle part.
→ Quantième Art