Je vous mets dans l’ambiance.
Texas, XXIe siècle, entre grandes étendues panoramiques, longues routes en lignes droites et patelins repeints à la poussière dorée, se niche la trame de Comancheria. Ce film, c’est l’histoire de quatre hommes en deux duos.
D’un côté les deux frères Howard, Toby et Tanner dont la mère vient de mourir, et qui s’improvisent braqueurs de banques pour faire face à la saisie imminente du ranch familial. Toby, c’est le père de famille divorcé qui a besoin de l’argent et son frangin Tanner, un ex taulard, expert en armes, téméraire et irréfléchi qui vient lui prêter main forte.
Pour leur faire ça, un tandem de Texas Rangers à leur poursuite, composé de Marcus Hamilton, un vieux flic tout proche de la retraite et d’Alberto Parker, aux origines indiennes.


Niveau casting, on est servi avec trois têtes d’affiches.
Un Chris Pine de peu de mots, peut-être dans son meilleur rôle. C’est l’incarnation de la force tranquille, un père désabusé mais prêt à tout pour se racheter auprès de son ex-femme et ses fils.
Son frère dans le film Ben Foster, juste génial, en chien fou totalement impulsif et brutal mais aux grandes valeurs, notamment quand il s’agit de famille. Il prend beaucoup de place à l’écran mais c’est pour mieux parfaire ses inconstances et son instabilité.

Et surtout ce bon vieux Jeff Bridges, en flic veuf et proche de la retraite. Le problème de la retraite c’est que la retraite c’est l’inaction et l’inaction, c’est l’ennui. Et ce Texas Ranger a encore de la ressource. Tout en moustache et en Stetson, c’est un Bridges impérial qui nous livre une prestation de très bonne facture. Il règne en vieux flic buriné. Ses mots mâchés et ses piques ironiques sur les origines comanches de son coéquipier ne font que parfaire la justesse du personnage.
Enfin, ce n’est pas un personnage mais on peut parler du cadre, le Texas et de ses habitants. Quand le Ranger Hamilton demande à un client ce qui s’est passé, l’autre lui rétorque « J’ai assisté au vol de la banque qui me vole depuis 30 ans ». Là encore, un joli ton sarcastique qui assure l’ambiance du film.


Ce que j’ai aimé dans ce film, c’est le parallèle entre ces deux duos, cette espèce de dualité permanente. On a réellement deux histoires en une seule, c’est presque une poursuite à distance. Il n’y a pas de gentil, pas de méchant. On comprend la motivation des deux frères qui sont dans la nécessité absolue face au système capitaliste et financier qui vient s’emparer de leur ranch. On est loin des films de braquages actuels. Des scènes d’actions sobres, efficaces et bien ficelées, pas d’affrontements ou de courses poursuites interminables.
C’est simple mais c’est-ce qu’il faut. Le film n’a pas d’autre ambition que de raconter l’histoire de ces deux frères et de ce vieux flic. Et c’est là toute sa justesse. On est dans le vrai, dans l’essentiel. On parle des vraies choses. De deux frangins prêts à tout l’un pour l’autre. Pas de superflu, pas d’artifices. La vérité qui rappe. Brutale et amère. On est dans le combat contre quelque chose de trop grand et qui nous échappe, ces hommes ont été happés et broyés par le système bancaire, ils n’ont pas d’autre alternative pour s’en sortir que de glisser vers le banditisme. Et cela nous semble presque légitime.


En fait ce film, c’est la chronique de l’anti-rêve américain. On est dans l’ouest profond, bafoué, désabusé, l’American Dream et l’American Way of Life semblent bien loin. Là on parle de chômage, de dettes, de crise, le divorce, ce sont les vrais ennemis de ce film. Il n’y a pas d’ambages dans ce film, pas d’artifices. Les dialogues sont élagués à l’essentiel. Là ce sont uniquement les actes qui parlent.
Enfin, d’un point de vue plus général, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce film, c’est la preuve que le genre noble et magnifique qu’est le western, a encore sa place sur la planète cinéma. On retrouve des thèmes fondamentaux du genres, l’ouest américain, les origines indiennes, la cavalerie incarnée ici par nos deux Texas Rangers. On reste loin des gueules cassées et des éperons à la Sergio Leone, mais on a bien le droit à de vrais cow-boy, bottes, chemises à carreaux et joues mal rasées, et aussi à quelques réminiscences de road movie qui ne font pas de mal.
Autrement dit, c’est bien là toute la force du film, un cadre mythique, celui du Far West, dans un contexte actuel, difficile lui aussi.

Lvbest
8
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le 11 oct. 2016

Critique lue 358 fois

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