Il y a quelque chose de joliment décalé dans le cinéma de Bruno Podalydès, metteur en scène et scénariste de douce et acidulé petite sucrerie depuis plus de deux décennies maintenant, au sein d'un septième art hexagonal qu'il ne peut que marquer par son incroyable originalité.


De Versailles rive gauche à Liberté-Oléron en passant par Le Mystère de la Chambre Jaune ou encore Adieu Berthe, on ne compte plus les belles - et très drôles - surprises qui jonchent sa riche filmographie, le plaçant même aisément comme le digne représentant de l'inestimable Jacques Tati.


Difficile donc alors, de ne pas attendre avec un minimum d'impatience son retour sur grand écran, comme c'est le cas cette semaine avec Comme un Avion, nouveau long métrage pour lequel il porte de multiples casquettes (réalisateur, scénariste, et pour la première fois acteur vedette) et s'offre un casting de talents des plus alléchants : Sandrine Kiberlain, Agnès Jaoui, son frère Denis, Pierre Arditi ou encore Michel Vuillermoz (des habitués par ailleurs).


Comme un Avion, ou l'histoire Michel, la cinquantaine tout rond, un doux rêveur qui est infographiste.
Passionné par l'aéropostale, il se rêve en Jean Mermoz quand il prend son scooter.
Et pourtant, lui‐même n’a jamais piloté d’avion.
Un jour, Michel tombe en arrêt devant des photos de kayak : on dirait le fuselage d’un avion. C'est le coup de foudre.


En cachette de sa femme, il achète un kayak à monter soi‐même et tout le matériel qui va avec.
Michel pagaie des heures sur son toit, rêve de grandes traversées en solitaire mais ne se décide pas à le mettre à l'eau.
Rachelle découvre tout son attirail et le pousse alors à larguer les amarres.
Michel part enfin sur une jolie rivière inconnue.
Il fait une première escale et découvre une guinguette installée le long de la rive.


C’est ainsi qu’il fait la connaissance de la patronne Laetitia, de la jeune serveuse Mila, et de leurs clients ‐ dont la principale occupation est de bricoler sous les arbres et boire de l’absinthe.
Michel sympathise avec tout ce petit monde, installe sa tente pour une nuit près de la buvette et, le lendemain, a finalement beaucoup de mal à quitter les lieux…


Belle comédie comme on les aime, Comme un Avion suit avec drôlerie et poésie la crise de la cinquantaine d'un homme frappé par le blues de ne pas avoir pu réaliser ses vieux rêves (thème récemment abordé avec un poil plus de gravité, dans On Voulait Tout Casser), et qui fait le bilan de son existence via une pause façon road trip en kayak.


Malicieux, léger et fin, hautement fantaisiste et une nouvelle fois porté par la magie du détail du cinéaste, la péloche est une jolie et subtile fable moderne prenant les traits enjoués d'un feel good movie bucolique, parenthèse enchantée et rafraichissante au sein d'un septième art hexagonal manquant cruellement de moments de cinéma aussi original et mélancolique.


Intelligemment scripté et aux résonances pertinentes face à la société actuelle, le cinéaste fait la part belle à l'aventure nonchalante mais charmante de son héros lunaire - qu'il campe à la perfection -, ou chaque personnage qui peuplent son périple est incarné à la perfection par une pluie de talents rendant le régal de sa vision encore plus gouteux (Sandrine Kiberlain est encore une fois merveilleuse, on retrouve avec plaisir Agnès Jaoui et la nouvelle révélation Vimala Pons).


Mélancolique, hilarant, un brin fou et définitivement enchanteur, Comme un Avion est une belle et séduisante surprise, une authentique odyssée burlesque d'un cœur rêveur concrétisant son obsession d'antan et sa nécessité de se retrouver au fil du courant d'un paradis naturel.


Un pur hymne à la liberté, décemment l'une des escapades sur grand écran les plus douces du moment, et peut-être même bien le plus beau film de Bruno Podalydès.


Ou tout du moins, son œuvre la plus touchante et poétique.


Jonathan Chevrier


http://fuckingcinephiles.blogspot.fr/2015/06/critique-comme-un-avion.html

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le 8 juil. 2015

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