On ne s'attendait à rien, mais on y trouve tout.

N'étant pas particulièrement une grande fan des Casseurs Flowteurs (un peu plus d'Orelsan), j'ai (re)découvert l'univers de ces deux rappeurs provinciaux il y a peu par le biais d'un ami. Je vous avoue que ce qui m'a le plus plu dans leur univers, était leur simplicité. Malgré leur réussite, ces deux artistes sont restés authentiques. J'ai été curieuse de voir s'il serait capable d'en faire de même avec le film :


Comment c'est Loin m'a, pendant une heure et demi, fait passer par une gamme de sentiments variés : j'ai ri (beaucoup), j'ai été triste, j'ai été ému, j'ai été dégouté (le coup des ongles noirs j'ai du mal à m'en remettre ^^) puis finalement, je me suis extasiée. On ne s'attend à rien en allant voir ce film, on se dit que c'est Orelsan, qu'il va faire un peu de provoc' à sa façon, un peu comme dans ses chansons, et qu'il nous a concocté un petit mélange de ces plus belles punchlines en image ... Et bien pas du tout. C'est là, qu'il a été très fort. On ne s'attendait à rien, mais on y trouve tout.


Rien de bien folichon à la base. Deux "artistes", éternels "procrastineurs", qui n'ont pas écrit une chanson complète depuis 5 ans, et qui ont 24h pour le faire avant que leurs producteurs ne les lâchent. Un scénario banal, sans profondeur, en apparence. En apparence, seulement. Car dans son film, Orelsan nous raconte la jeunesse : paumée, désœuvrée, qui n'a pas la force de se battre pour l'avenir. Pas même pour ses rêves. C'est d'une sincérité à vous faire pleurer, d'une réalité ahurissante, et ma foi, je ne m'attendais pas à me regarder autant dans un miroir en voyant ce film. Mon seul regret ? Orelsan n'a pas suffisamment exploité le coté universel de cette procrastination de la jeunesse, ni le contexte sociologique actuel, il est resté très centré sur ses personnages. A mon sens, il aurait pu pousser la chose encore plus loin. Mais se n'était pas son but, ne voyons pas des messages là ou il n'y en a pas.


En revanche, je pense que ses fans ont du particulièrement se sentir proche de leur idole, car Orelsan livre une grande partie de lui même dans ces images. Film plus ou moins familial, nous pouvons y voir son père, sa mère, sa grand mère (mon dieu, que j'ai aimé la scène ou il chante avec sa grand mère), et ses amis. Bref, il nous fait rentrer dans son univers, la ville ou il vit, nous présente les personnes qui ont de l'importance pour lui. En cela, il se rapproche de son public, et c'est ce qui donne toute la sincérité et l'émotion que nous procure son film. C'était son but, et le pari est réussi.


Coté technique, le film est co-réalisé avec Christophe Offenstein, il avait donc relativement peu de chance de se tromper. Nous avons de très beaux plans, des techniques de mises en scènes simples, mais qui fonctionnent parfaitement. En fait, je n'ai pas trouvé d'erreurs de réal', pas même un faux raccord (je le regarderais une deuxième fois pour être sur). Seul petit bémol, le film est un peu lent sur les 15-20 premières minutes, mais à la limite, ça colle très bien au contexte. J'ai également été déçu de constater que les meilleurs moments ont été, en grande majorité; utilisé pour la com', dans la bande annonce notamment, je trouve ça dommage. Ne parlons pas de la BO, qui est fidèle au boulot des CF, propre, sensible, touchant, bref, les CF quoi.


En tant qu'étudiante en Art, j'ai été touché par ce film. Car oui, en dehors de montrer une jeunesse désœuvrée, il montre une partie de l'intimité d'Orelsan, mais cette partie est commune à beaucoup de gens. Il parle de ce qu'est être un artiste aujourd'hui. Produire est plus difficile qu'on ne le croit, ça demande du temps, de l'expérience, et surtout de la motivation. Bien souvent, on cumule des petits boulots alimentaires à coté, on déprime, on se dit qu'on ferait mieux d'abandonner, que nos chances de réussir sont quasi nulles. On a peur, on prend de l'age, on se demande si on est fait pour ça, si c'est notre voie. C'est ce qui peu clairement nous conduire à cette procrastination.
"Si c'était si facile, tout l'monde le f'rait. Qui tu s'rais pour réussir ou tous les autres ont échoué ? Oublis tes rêves prétentieux, redescends sur terre, ou tu n'en reviendras jamais" .


Et puis finalement, j'ai perçu se film comme un "message d'espoir". C'est carrément culcul de l'écrire comme ça, mais ... Orelsan et Gringe ont vécu ce moment ou tous les artistes ont ce choix à faire : poursuivre ou abandonner. Continuer ou se réorienter. Ils l'ont passé ce moment, et ils ont réussi. Et pour qu'ils choisissent de le mettre en scène dans un film, et particulièrement CE moment, c'est qu'il a du laisser ses traces. Ce n'est pas une question de gloire, de popularité, ou même d'argent. Mais leur art est reconnu, et c'est la seule véritable victoire d'un artiste. Le film se termine par la réussite de la création du morceau qui, on le suppose, lance leur carrière. Finalement, pour moi, c'est ce qui ressort le plus de ce film.

Siriah
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le 29 déc. 2015

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