S’initier au cinéma israélien, c’est découvrir un cinéma exotique où l’on se doit d’éviter d’avoir des idées préconçues, en pensant que ces œuvres sont surement « archaïques » et qu’elles manquent de profondeur. C’est aussi s’apprêter à avoir un réel choc culturel, tant nos cultures sont parfois aux antipodes. Mais, visionner le premier long métrage de Avi Mograbi, « Comment j’ai appris à surmonter ma peur et aimer Ariel Sharon », c’est surtout le plaisir de découvrir un documentaire atypique et extrêmement passionnant.


Le réalisateur parvient à manier avec perfection, la fiction pour mieux retranscrire la réalité, ce qui donne à cette œuvre un côté surréaliste et à la fois au plus près des réalités. De plus, la consistance de ce documentaire pendant cette heure, est assez surprenante pour un réalisateur encore inexpérimenté, et les échanges avec Arial Sharon sont parfaitement réalisés. En effet, l’une des forces majeure de ce long métrage, c’est sa capacité à maintenir l’intention et à susciter un réel intérêt.


Dans un premier temps, le processus de communication est habilement choisi, puisque l’on a réellement l’impression que l’on échange directement avec le réalisateur. De plus, aujourd’hui, dans notre société où les NTIC sont parfaitement intégrées dans notre vie sociétale, cette manière directe de communiquer pourrait même faire directement penser à une éventuelle interview sur Skype avec le réalisateur. Autrement, on peut facilement s’identifier au « personnage standard » qui cherche à obtenir des informations pour répondre à ses prérogatives politiques où tout simplement pour affirmer son opinion au travers du septième art.


Par la suite, ce qui interpelle directement par rapport à nos coutumes occidentales dans ce registre de documentaire, c’est la totale implication de l’auteur dans des propos parfois très sévères. Par exemple, oser dire qu’un massacre a été réalisé par la moitié de la population. On discerne également une importance capitale de son choix politique en Israël, comme si la politique pouvait s’apparenter à une forme de religion. Mais, ces propos parfois virulents, sont atténués par le choix très intéressant de tourner cette œuvre telle une comédie anodine, alors qu’elle traite directement de la politique israélienne. A l’image, notamment de sa dérision souvent de ses propos, en faisant référence aux changements qui se sont produits dans son couple, pendant le tournage de cette œuvre. C’est aussi, implicitement, un moyen de montrer que le choix politique en Israël peut avoir un réel impact dans la vie quotidienne. On distingue aussi une réelle fracture sociale au sein de ce peuple, où le choix politique détermine presque tes relations. Ainsi, de par, la réalisation de cette œuvre, Avi Mograbi, donne l’impression d’exercer son droit naturel de citoyen en tentant d’exprimer son opinion.


Par ailleurs, la comédie, dans ce documentaire n’est pas choisi par hasard, car plus le film avance, plus l’on s’aperçoit que c’est la situation politique actuelle qui s’apparente à une comédie. A l’image, de l’hypocrisie que l’on peut discerner dans le milieu politique, notamment lorsque Ariel Sharon promet dans la première partie des réponses que le réalisateur obtiendra seulement grâce à sa persévérance.


Ensuite, Comment j’ai appris à surmonter ma peur et à aimer Ariel Sharon permet d’exprimer le côté virulent, de la société israélienne. On distingue notamment des échanges verbaux très tendus parfois entre des spectateurs et Ariel Sharon. Cela met en valeur deux points, à la fois la capacité d’expression dans son pays et par la même occasion un certain manque de maturité dans la gestion des relations politiques.


Par la suite, on pourrait également évoquer le fait que Avi Mograbi utilise avec une grande subtilité le côté amateur du documentaire, en jouant souvent avec cet aspect au plus proche des réalités. Ainsi, ce registre assumé par le réalisateur lui permet également de voir son ennemie, Ariel Sharon, en tant qu’homme et non plus seulement se fier à la façade de l’homme politique. On constate, même par moment au fur et à mesure d’échanger avec Ariel Sharon, le réalisateur finit par être gêné par le développement des événements. On peut ainsi, se demander si le politique et l’homme sont dissociables ? Selon, le réalisateur, qui parvient à garder malgré le bon déroulement des événements une certaine neutralité, elle permet en tout les cas de voir plus loin de l’image que les médias tentent de véhiculer. Par exemple, on découvre un politique qui paraît être stricte et peu compréhensif, à un homme presque attachant dans la vie privée notamment de par sa simplicité.


D’autre part, on peut également remarquer, l’admirable qualité du réalisateur de séquencer sa pensée, les étapes se suivent de façon très logique et chaque thématique est traitée au moment opportun. Il arrive notamment, par moment à introduire le sujet de religion très habilement où l’on perçoit clairement, une forte croyance, et une véritable spiritualité dans ce peuple israélien, notamment le passage avec les orthodoxes. Enfin, Avi Mograbi fait partager clairement son cauchemar sous forme de fiction, après avoir rêvé d’un idéal pour son peuple. On retombe brusquement à la réalité, et finalement à celle qu’il a toujours voulu partager mais qu’il a tenté de cacher ou d’amoindrir du moins avec sa relation avec Ariel Sharon. On découvre alors, un pays sanguin, pro révolutionnaire, où la violence fait partie du quotidien d’une grande majorité de la population.


Pour conclure, d’un point de vue culturel et politique cette œuvre est très enrichissante. On ne peut qu’être admiratifs devant le challenge relevé par ce réalisateur pour fournir des images avec une telle authenticité qui permettent notamment d’en apprendre un peu plus sur le monde politique. Avi Mograbi, souhaite tout de même terminer son œuvre, dans une certaine cacophonie représentant la société actuelle. Le réalisateur, se prête au jeu de l’environnement de la scène finale et laisse à la fois un goût d’inachevé puisque il ne parvient pas à confirmer son idée initiale, mais son engouement final laisse tout de même présager un avenir meilleur. La meilleure des preuves, de l’optimisme possible est notamment sa capacité à outrepasser sa peur pour aller au-delà de l’image, et s’intéresser aux hommes au-delà de leurs statuts, tel un anthropologue.


http://www.cineseries-mag.fr/comment-jai-appris-a-surmonter-ma-peur-et-a-aimer-ariel-sharon/

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le 28 avr. 2015

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