Comrades est d'abord un film politique. Il raconte l'histoire vraie, en 1834, de six paysans britanniques qui décident de fonder une confrérie pour tenter de défendre les maigres droits que l'aristocratie locale daigne leur laisser, autant dire des miettes, tout juste quelques shillings pour des journées de labeur.
Le début du film déconcerte : pas de héros à l'horizon et peu d'enjeux visibles dans ce décor austère du Dorset. Une mise en place tranquille, sans tambour ni trompette, qui n'est pas sans rappeler le Festin de Babette de Gabriel Axel où pareillement le froid, l'humidité et la nuit font le quotidien d'une la petite communauté de villageois.
Passé l'introduction, le film commence à délivrer ses premières surprises, des scènes d'une singulière beauté provoquées par un personnage mystérieux, un de ces lanternistes, magiciens ambulants qui manipulaient de petits théâtres d'illusion (appelées lanternes magiques) et qui dans les campagnes offraient des spectacles visuels aussi brefs que magiques. L'ancêtre du cinéma en quelque sorte. Cette opposition ténèbres/lumières sur laquelle joue la mise en scène se trouve être un des prncipaux thèmes de l'histoire : dans la précarité la plus extrême on peut toujours se raccrocher aux valeurs morales - l'honnêteté, la solidarité, la fraternité - et à la magie du rêve.
Les valeurs, sont portées d'abord par ce beau personnage qu'est George Loveless le mal nommé, lui qui n'agit que dans l'intérêt des autres. Mais l'histoire ne s'appuie pas que sur un seul homme, c'est la force du groupe qui est mise en avant, celle des six confrères unis dans le combat ou encore celle des bagnards dans le bush australien. Ou encore celui des femmes qui tiennent dans Comrades un rôle essentiel, de résilience, de résignation ou de résistance.
La magie de l’irréel, est incarnée d'abord par le lanterniste, sorte de double du réalisateur, dont on découvre au fur et à mesure qu'il raconte une partie de l'histoire. Une histoire où il apparaît que la vie des paysans aussi rude soit-elle n'est pas exempte de plaisirs - faits de relations humaines chaleureuses - mais aussi de surprises : danseurs, acteurs, saltimbanques se succèdent au moment des moissons et viennent divertir les villageois.
Ce parallèle au long cours entre la lutte pour les acquis sociaux et l'émergence de la photographie font de Comrades un grand film politique, un grand film d'aventures mais également un grand film sur le cinéma.
A ne pas manquer


Personnages/interprétation : 9/10
Scénario/histoire : 9/10
Réalisation/mise en scène : 9/10


9/10


P.S : Bill Douglas était collectionneur de lanternes magiques et autres jouets optiques. Comrades sera son seul long métrage, il meurt 5 ans plus tard en 1991.

Theloma
9
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le 10 févr. 2017

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Theloma

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