Fut un temps, mes amis, où Schwarzy n'était encore qu'Arnold. Je vous parle d'un temps où il n'était pas encore cet acteur de renommé international mais plutôt ce mec qui avait joué dans le douloureux "Hercule à New York". Tout ça commence un peu à remonter, j'avoue. Mais à cette époque, il avait encore un accent impinable et une carrure à effrayer n'importe quel chétif. Genre moi. En ces temps immémoriaux, Schwarzy se lança dans un conte étrange et abrupt, une histoire de sang, de muscle et de sueurs qui prenait place en un temps oublié. Loin dans les hautes steppes d'un pays oublié, le village de Conan se fait démouler à sec par une bande de nordiques issus d'un clip de métal norvégien (frange en plus). La mère hyperbonnasse de notre futur barbare donne sa vie pour éviter que son enfant ne soit violé/tué/un peu des deux et finalement, le marmot est emmené en esclavage. Des années et des centaines de tour de roues, arrosées de litres et de litres de stéroïdes, Conan est prêt, gonflé de muscles qu'on ne croyait pas exister et empli d'une envie de prendre sa revanche, de boire de la cervoise et de se rouler dans l'or. Un homme sain, donc, équipé d'une bonne grosse épée piquée à un ancien roi d'Atlantide. Ca impose son style.

Chancre de l'anti-médiéval fantastique, le film de Milius annonce cash la couleur. Ouais, John, tu as bien fait de couper dans le fantastique outrancier qu'on imaginait à l'origine dans le script. Pas de magie à deux francs six sous, pas de dragons en caoutchouc avec un pauvre hère qui se débat dans ses entrailles pour lui donner un semblant de vie, naaaah. Ici, c'est aride, c'est vraisemblable. On a peut-être deux ou trois interventions surnaturelles, mais elles sont parées de mystère, d'incompréhension et de fait, demeurent parfaitement digeste contrairement à la bouillie que les années 80 se sont efforcés de livrer en matière de med-fan, style kitsch mais étrangement aimé à cette époque. Du coup, Conan se démarque en bien, avec son charisme si singulier, très âpre et du coup, très intéressant. D'ailleurs, on peut être surpris par l'étonnante structure du métrage, qui ne raconte guère l'histoire d'un héros s'en allant chercher vengeance mais plutôt d'un type qui se retrouve libre et commence ses errances dans un monde qui tient plus du post-apo que de l'effervescence chevaleresque. Bon, pour faire bonne figure au milieu des étrangetés si répandues à cette époque, le film fut quand même obligé de se parer d'un arc à serpents particulièrement bizarre, ainsi que d'un serpent géant et pas trèèèèès en forme pour dévorer notre bon serviteur. M'enfin, à ce niveau-là, il fait office d'une sobriété qu'on aurait bien voulu voir partagée par certains de ses pairs.
Du coup, cela permet une interprétation tout en finesse... bon, ok, soyons franc, à part James Earl Jones et môssieur Max von Sydow, tout le monde a l'air d'y mettre autant de bonne volonté que possible, sans pour autant être d'une grande et violence crédibilité. James joue les méchants gourous de l'enfer, particulièrement halluciné et classieux, et ce malgré une franche particulièrement intimidante. M'sieur Guiness joue un ancien roi du ch'nord pour une scène relativement courte mais tout aussi amusante. A mentionner quand même : Schwarzy et ses gros muscles qui tentent vainement de se faire passer pour le bretteur de l'année alors qu'on le voit clairement galérer. Cela dit, quand je repense à combien il a l'air de misérer dans le second épisode, je pense que ce n'est pas si grave que cela. A voir aussi en VO, pas pour faire le puriste mais surtout pour avoir l'accent génialissime du Schwarzy pas encore tout à fait "fluent" en anglais et qui rit de la façon la plus inquiétante du monde, comme si tout son corps disait "je vais te dévorer vivant".
Et pourtant, il est bon ce film. La plupart du temps, ce que je reproche en grande partie aux films de ce genre (Kalidor, Krull, et la suite de Conan n'y coupant pas du tout), c'est le côté totalement décousu de l'écriture, qui fait que le scénario part dans un sens, puis dans l'autre, cumulant de petits sketchs formant la totalité des péripéties et perdant au passage la cohérence du récit. D'ailleurs, c'était la principale grief que j'avais contre le Hobbit. Eh bien ici, non. Les péripéties suivent une logique, annoncent les événements et amènent progressivement une situation. D'autant qu'au final, le film se targue moins de raconter comment un fier barbare va aller sauver une princesse que l'histoire de ce type paumé, qui poursuit une idée fixe et va finir par la dépasser pour se construire en tant qu'homme. On y suit ainsi ce Conan qui n'est pas si barbare qu'on veut bien nous le faire croire, trouvant sa place dans un monde relativement dangereux. Se trouvant une place, de l'or plus qu'il ne lui en faut et une demoiselle dont tout laisse à penser qu'il est amoureux... mais qui va tout de même prendre sa revanche dans un troisième acte, au risque de perdre tout ce statut social qu'il avait fini par s'approprier. Tout ça pour une vengeance lointaine, qui relève plus de la vision romantique et puérile que d'un devoir d'honneur, tant finalement, il parviendra à l'assouvir avant tout pour lui plutôt que pour son père, preuve en est cette épée forgée des mains de son géniteur et qu'il brise finalement de sa lame. Conan le barbare se prépare à devenir Conan le Roi et Arnold devient alors Schwarzy.

Pas si barbare, ce Conan, certes non. Plutôt bien écrit pour un film du genre, plutôt bien conté, on tient là davantage une fable sur un temps lointain qu'un autre de ces long-métrages catastrophiques avec sidekicks lourdingues et princesses à sauver. Ici, la princesse ne veut pas être sauvée, le sidekick ne comprend pas bien la langue et tout le monde finit souvent recouvert de sang. En fait, c'est dommage, mais finalement, si Conan le Barbare est exempt des défauts du film d'heroic-fantasy, sa suite, par contre, mettra les pieds en plein dedans, redoublant de péripétie sans queue ni tête, de sidekicks connards et de scénarios à coucher dehors. Mais ceci est une autre histoire...
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le 20 juin 2014

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