[Garanti sans spoil]


Un cinquième (ou plus ?) visionnage m'aura convaincu d'écrire ma critique personnelle de ce qui est finalement devenu mon film préféré toute catégorie.


Inhumanité raffinée, voilà ce qui pourrait décrire le film Confessions 告白 de Nakashima Tetsuya, basé sur le premier roman éponyme de Minato Kanae (renommé "Les Assassins de la 5e B" en français). Elle est également l'autrice de Shokuzai, dont la duologie cinématographique semble emprunter quelques traits à Confessions, ce dernier a d'ailleurs fêté ses dix ans il y a quelques jours.


Quand la fillette de la professeure Moriguchi est retrouvée morte dans l'école où la mère célibataire enseigne, c'est son monde qui s'écroule, et un nouveau qu'elle reconstruit : celui de sa vengeance, à laquelle elle dévoue désormais sa vie. Car il se trouve que les meurtriers font partie de sa propre classe, et devant leur immunité par leur jeune âge face à la justice japonaise laissant la porte ouverte à la cruauté juvénile, elle compte bien prendre à cœur son devoir d'enseignante et leur inculquer leur ultime leçon. Tel est le décor planté par le discours de Moriguchi à ses élève, faisant office de scène d'introduction du film près de trente minutes durant.


Le film est ainsi découpé en plusieurs parties de longueur très variable, chacun des personnages exposant leur motivation et leur version des faits. Leur confession, en somme. Nulle répétitivité dans ce procédé : d'une part, car chaque confession apporte de nouveaux éléments sur la psychologie du personnage concerné, mais aussi de ceux qu'il fréquente. Il ne s'agit donc pas d'un retour en arrière à chaque partie, mais d'un entrecroisement des versions comblant les zones d'ombre d'un premier récit pour l'étoffer encore un peu plus par un angle inédit.


D'autre part, car la mise en scène ne laisse pas la place à l'ennui. Celle-ci est incroyablement esthétique, le film est d'ailleurs souvent pointé du doigt pour ressembler à un long clip musical d'une heure quarante-cinq à l'instar de The Neon Demon. Et à raison, puisque la musique y tient un rôle primordial dans ce macabre récit : elle y distille une ambiance à couper au couteau tantôt grâce aux pistes instrumentales telles que celles du groupe boris dont les lourdes guitares saturées grondent devant les nuages orageux qui défilent, tantôt via la mélancolique voix de Thom Yorke, chanteur de Radiohead, couverte par les cris de douleur de l'héroïne, tout en passant par des mélodies plus enfantines et insouciantes.
Couleurs glaciales mais saturées, lumières blafardes et oniriques, slow-mo omniprésent : tout ces effets visuels apportent en irréalité à une atmosphère pourtant terriblement sombre pour un cocktail des plus réussis.
Il n'est cependant aucune question de contemplation ici, puisque les dialogues s'enchainent sans discontinuer sur ces images de pluie qui tombe au ralenti ou de jeunes collégiennes sautant à pieds joints dans les flaques d'eau comme en apesanteur. Allergiques à Terrence Malick, vous voilà saufs.


Confessions traite de nombreux thèmes, gravitant principalement autour de l'enfance. Il est question de justice envers les mineurs, de harcèlement scolaire, de relation enfant-mère, d'éducation, de deuil. Mais le coeur du film reste à mon sens la cruauté des enfants, rarement justifiée, souvent gratuite mais jamais punie. Moriguchi entend bien combler les failles du système judiciaire à leur égard en se rabaissant, ou plutôt en s'élevant, à leur degré de perversion brute par une vengeance machiavélique sans la moindre retenue, à la hauteur de son chagrin infini. Quoi qu'il en soit, tous les enfants à l'écran -hormis la victime- sont présentés comme des êtres affranchis des concepts du bien et du mal puisque intouchables judiciairement, et dont les adultes -en dehors de Moriguchi- sont inconsciemment soumis. [Notons que le livre développe naturellement cet aspect en explicitant l'origine de ce mal : les adultes eux-même].


Si les réfractaires au cinéma japonais s'inquiètent, soyez rassurés : le jeu d'acteur est ici très proche des standards occidentaux. Les trois enfants principaux jouent de façon très juste, mais la palme revient à Matsu Takako, une actrice poignante qui campe son rôle de façon impeccable. Sa froideur illustre à merveille le vide laissé par le décès de son enfant, comme une carcasse uniquement animée par la haine et le désespoir, passant des larmes aux éclats de rire en quelques secondes.


Confessions n'est pas un film qui plaira à tout le monde. Ne pas adhérer au style esthétique si particulier du film garantira une déception sans aucun doute, ce filet filtrera donc rapidement les spectateurs puisque le film pose très rapidement les bases sans jamais s'en défaire.
Dans le cas où vous passeriez entre ces mailles, vous vivrez une expérience visuelle et sonore incroyable, équipement adéquat chaudement recommandé !


Vous l'aurez compris, j'aime ce film pour sa noirceur contrastée par sa beauté. Avis aux amateurs, cette alchimie savamment menée étant particulièrement rare, le seul film suffisamment proche pour me rappeler Confessions est Tag, réalisé par Sono Sion. Bien que très certainement inférieur et beaucoup plus fantaisiste, la recette esthétique y est similaire et devrait vous divertir si tant est que vous accrochiez au scénario.

DorianRay-
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le 19 juin 2020

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Dorian Ray

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