On excusera la référence foireuse au travail d'Artaud, surtout que c'est une référence que certains jugeront peu pertinente mais passons, allons de l'avant, venons en à mon idée, car j'avais bien une idée derrière la tête.
L'idée étant que le cinéma d'horreur, c'est un cinéma extrêmement primaire. En fait le mot ce serait sans doute primal. C'est un cinéma de l'émotion la plus animale, un cinéma de la peur. Il a ses propres codes dans la prise de vue, son propre "genre" musical, une ambiance ...
Le problème récurrent avec les mauvais films d'horreur est de prendre ces codes pour des recettes, on a des donc des gens tentant de cocher des cases plutôt que d'utiliser le code. Ou alors ils leur manque une case au tableau. C'est pas facile de mettre en scène de toutes les manières donc on va pas s'attarder sur ces pommes pourries, regardons d'avantage le dessus du panier. Les belles pommes quoi, les rouges sanguinolentes qui chuchotent des choses à ton oreille quand tu croques pour la première fois.
Alors bien entendu je ne dis pas que ce deuxième Conjuring, c'est fantastique. Par contre je vous dis que ça reste très bon dans ce registre du film d'horreur. C'est un film qui a compris les codes et qui les utilisent bien, ce qui est tout à fait jouissif. C'est une caméra adepte du close up, impliquant le spectateur dans l'action tout en réduisant son champs de vision, c'est un jeu constant se reposant sur la manipulation de l'anticipation du spectateur, c'est une tension dont on n'abuse pas et qu'on sait faire redescendre de manière intelligente pour pouvoir mieux la remonter. C'est aussi pour une fois un scénario descent (à mon humble avis) même si la plupart des personnages ont des tendances suicidaires et stupides [Avis subjectif d'un homme qui détestent les enfants qui relancent un camion de pompiers en plastique vers une présence qui te le renvoie et autres comportement douloureux].
On n'échappe pas à quelques moments bien ridicules et mièvres mais ça permet de faire baisser un peu le rythme cardiaque du froussard que je suis.
Et là dans ce paragraphe je parle de la fin, donc tu peux le sauter si tu veux. Je disais donc que la fin, c'est bien entendu un peu frustrant puisqu'on reste bloqué dans un schéma de happy ending à la con. Non mais c'est logique mais c'est moins satisfaisant au niveau du frisson et de l'adrénaline. J'aime bien qu'un film d'horreur me poursuive après coup, mon coté masochiste sans doutes, et c'est difficile quand tout finit si bien.
Le cinéma d'horreur a une tache ardue, revenir à ce qu'il y a de plus naturel et réel, la peur, tout en étant factice et manipulateur dans son ensemble. Il y a eu plein de réponses différentes pour tenter d'obtenir un résultat efficace, on a eu d'avantage de caméra au poing, de sang et de jump scares au cours des dernières années. Conjuring à mon sens revient aux sources, joue avec les éléments classiques pour faire quelque chose de solide.
Je me permets plein de choses dans mes critiques, comme de citer Artaud qui parle de théâtre pour conclure cette critique, je vous souhaite donc de bons frissons à tous :
"Le théâtre de la cruauté a été créé pour restaurer à la scène la conception passionnée et convulsive de la vie, et c'est dans son sens d'une violente vigueur et d'extrême condensé d'éléments scéniques que la cruauté sur laquelle il est fondé doit être compris. Cette cruauté, qui peut être sanglante si necessaire sans l'être par défaut peut donc être identifiée avec une certaine pureté morale qui ne saurait avoir peur du sacrifice nécessaire pour rendre justice à la vie."