Quelques toussotements derrière un écran noir : C’est là-dessus que s’ouvre Contagion, de Steven Soderbergh, sorti il y a neuf ans. Bientôt, c’est le visage d’une femme qui apparait, la toux sèche, l’air fatigué, en stand-by dans un hôtel de Hong-Kong. C’est Gwyneth Paltrow qui incarne Beth Emhoff, mais très vite elle va mourir et être déclarée patient zéro d’une crise virale qui prendra des proportions mondiales digne de la grippe espagnole.


 Il est troublant (et galvanisant) de voir ce maître du film choral qu’est Soderbergh, reprendre les codes du genre et les perturber par cette envie de filmer le réalisme à tous les étages d’une telle crise sanitaire. C’est l’impression, déstabilisante, que laisse Contagion quand il s’achève : ça se déroulerait exactement comme ça. On l’imaginait déjà il y a neuf ans, avec toutefois, des ressorts de science-fiction. On en est convaincu aujourd’hui.
Ce fut une expérience très étrange de revoir ce film pile durant la période de confinement contre le Covid-19. Terrifiant, déprimant, forcément. Mais passionnant, surtout. A l’époque de sa sortie, Contagion m’avait poliment ennuyé, laissé constamment à distance, sans doute car j’attendais d’y voir des personnages, de vibrer avec eux, et non d’avoir le sentiment d’assister aux étapes, précises, méticuleuses et quasi documentaires du déroulement de la crise. Sans doute aussi parce que j’avais une dent inexplicable contre Soderbergh.
Et le film réussit pourtant, malgré tout, à jouer sur un registre très intime, notamment via le personnage incarné par Matt Damon, qui perd donc femme et enfant en cinq minutes – ça donne le La. Mais il s’intéresse aussi à beaucoup plus large, à la dimension politique, scientifique, médiatique et même au pouvoir de la blogosphère, la quête du remède (On y voit quasiment Raoult avant l’heure), les pillages divers (Mission PQ, toujours) ainsi que les discussions autour du taux de reproduction et de létalité du virus.
Et pourtant Soderbergh n’est pas dans le film-dossier non plus : Contagion est un film ramassé (1h40) assez étrange dans sa construction et sa narration, comme s’il s’y jouait moins le geste moraliste qu’une volonté de compte à rebours contre un Goliath invisible, comme s’il était lui aussi gagné par le virus, le chaos. A ce titre, il est rare de voir autant de stars employées de la sorte, sacrifiées en permanence, par le virus ou par le récit, évaporés du champ ou du monde.
C’est un film de circonstance. Déstabilisant comme c’est pas permis, tant sa résonance et son acuité sont pour le moins troublantes. Bref, c’est puissant. Et d’autant plus puissant en 2020 tant il résonne de façon prémonitoire.
JanosValuska
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le 29 mai 2020

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JanosValuska

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