Une menace invisible et foutrement efficace
Steven Soderbergh a ses hauts et ses bas, une œuvre généralement très hétéroclite passant du divertissement grand spectacle, au film politique en passant par la SF et le biopic... le réalisateur peut nous faire rêver et nous décevoir. Bref, il faut toujours se méfier avant de payer une place de cinéma pour voir un de ses films. Et pour le coup, « Contagion » est un excellent film d'anticipation nous représentant l'immense gravité de la menace bactériologique dans une société mondialisé au possible. On est bien loin de la médiocrité de « The Informant » et ça fait du bien.
Comme à son habitude, Soderbergh a réuni un casting hollywoodien 4 étoiles pour son film. Ce qui rend ce casting si intéressant c'est qu'il est filmé de telle sorte qu'on ne s'y attache pas et qu'on ne le reconnait pas : contrairement à un « Ocean's Eleven » pimpant, un peu bling bling où on voit les stars s'amuser et parfois même cabotiner, « Contagion » ne ménage rien de leurs personnages et fait en sorte de mettre une certaine distance entre eux et le spectateur, afin qu'il assiste en sécurité à leurs mésaventures. Ainsi, Gwyneth Palthrow, première victime n'est pas maquillée et devient même repoussante lorsque les symptômes apparaissent, Matt Damon n'est plus qu'un père de famille parmi tant d'autres, américain de classe moyenne qui perd coup sur coup sa femme et son fils ainsi que sa dignité puisqu'avant de mourir sa femme le trompe et Judd Law, dont la dent chevauchante ne passe vraiment pas inaperçue n'est plus qu'un opportuniste voulant se faire un nom et de l'argent grâce à cette crise mondiale en dénonçant, sans réelles preuves la plupart du temps, des manigances de gouvernement.
Que se passerait-il dans le cas d'une telle pandémie ? Et bien le film est très bon en cela puisqu'il nous propose une vision aseptisée et réaliste de ce qui arriverait en analysant le comportement de toutes les grandes instances mises en place afin de lutter contre de tels phénomènes et en se focalisant non pas sur la maladie comme nombre de films l'ont déjà fait mais plutôt sur la peur : la peur de son prochain, la peur de la contamination, la peur pour soi, l'égoïsme irrationnel, la destruction de la société telle qu'elle existe... jusqu'à la solution, trouvée par une chercheuse et un vaccin viable qui pourrait guérir l'Humanité du virus mais surtout de sa peur.
Beaucoup de critiques lui ont reproché cette vision trop distante et pourtant, le climat de paranoïa est omniprésent si bien qu'on finit par avoir peur et en sortant de la salle de cinéma, on se demande qui est malade, qui ne l'est pas et on regarde des objets banals d'un autre œil s'ils sont touchés par des inconnus. D'autant plus qu'on s'aperçoit que la menace est invisible et qu'on ne peut absolument rien contre elle sauf en cas d'immunisation naturelle comme c'est le cas pour Matt Damon.
La mise en scène donc, permet une approche quasi documentaire, comme si Soderbergh était le chercheur et que l'espèce animale étudiée était l'Homme. On pourrait presque prendre ça pour un de ces programmes de l'après-midi sur France 5 sauf que là, on s'inquiète, non pas pour telle ou telle personne, mais pour tout le monde. On voit les gestes imprudents, on sait ce qui peut arriver et le personnage aussi mais il est Humain et commet des erreurs. Comment faire pour combattre ou bien même juste survivre ? Ces questions sont abordées et chaque spectateur doit se faire sa propre opinion compte tenu des faits et des dispositifs mis en place : le film agit comme une sorte de simulation dont on serait à la fois protagoniste et spectateur en sécurité.
Enfin, l'un des points forts du film est de ne pas déployer des moyens titanesques d'hémoglobine et scènes gores : le virus est réaliste, attaque tout d'abord comme une grippe et finit par détruire le système nerveux de la personne. On est bien loin de tous les films de ces dernières années où les infectés sont fous, veulent tuer, manger ou bien se zombifient, même si des films comme 28 jours plus tard sont très bons, on ne peut que déplorer la multiplication de ce genre donnant comme résultat la plupart du temps des navets sans queue ni tête et surtout sans qualités cinématographiques. Non, ici, ce sont bel et bien les personnes saines qui ne savent plus comment réagir et qui créent l'anarchie.
En conclusion, l'hypocondriaque ne devrait pas voir ce film, au risque de ne plus sortir de chez lui. A voir pour le reste du monde.