Harry Caul vit seul, fervent catholique, partageant sa terne et morne existence avec son saxophone et son travail, « plombier », ou plutôt spécialiste reconnu de l’espionnage et de la surveillance privée. Ses seuls moments de sociabilité se trouvent être la visite d’une femme qu’il retrouve à son domicile pour trouver la chaleur féminine qui fait cruellement défaut à sa vie, rongé par un insupportable vide existentiel, et toujours accompagné d’une mélopée de piano accablée.

Homme taciturne et désabusé, atteint d’une constante paranoïa, il erre dans ce monde sans trouver de sens à son être, affublé d’une mélancolie profondément touchante, souligné par une sobriété de la photographie et des décors subtile.
C’est cette névrose du personnage qui progressera tout au long du film s’insinuant en nous, petit à petit, accroissant encore et toujours ce sentiment d’oppression, d’angoisse permanente qui caractérise le malheureux Harry.
Depuis la magistrale première scène nous plongeant littéralement dans une foule allant d’un passant à un autre, troublant d’ors et déjà les perceptions des spectateurs, avant de se fixer au couple et de nous faire comprendre l’écoute de ces derniers par l’ingénieux dispositif du « plombier »; la caméra n’aura de cesse par la suite d’effectuer multitudes de travellings méticuleux et plans fixes offrant une mise en scène très particulière collant parfaitement à l’ambiance. Elle observe son personnage se déplaçant au gré de ses mouvements, tandis que lui essaye d’échapper à son regard.
Le long-métrage ne joue pas uniquement le trouble de l’image, mais surtout sur celui des sons, confronté à la confusion de l’ouïe, de par les étranges bruits des enregistrements d’Harry qui les modifie dans tous les sens pour en tirer tout leur contenu.

Le film nous entraîne dans l’étude d’une piste dont le maussade héros semble vouloir tirer un sens qui nous paraît totalement hermétique. Entre rêves dérangés, échos de paroles au fond de son esprit, et souvenir douloureux ravivé par ce travail, la forteresse Caul s’émiettera inéluctablement nous amenant tout droit vers une fin d’une puissance phénoménale enchaînant scènes terrifiantes et révélatrices à la réalisation brillante, où dans sa détresse Harry ira jusqu’à blasphémer, remettant en cause tout l’univers qu’il s’était créé.

Mené par l’immense talent d’Hackman interprétant à merveille ce personnage torturé, la réalisation ingénieuse de Coppola et une partition aux airs de jazz entêtants, ce film est grandiose dans son austérité, rappelant très fortement le Blow-Up d’Antonioni. Avec en prime Harrison Ford jeunot très talentueux, Conversation Secrète est un film qui frappe, avec une dernière scène qui ne s’oublie pas.
Woe
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le 3 févr. 2014

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