La fiancée de Robert Taylor
Un film qui a inspiré "La fiancée de Lucky Luke". Même principe : un convoi de femmes va traverser 2000 km de pistes pour rejoindre ses époux.
Je reconnais bien là la patte du réalisateur des "Mendiants de la vie". Le savoir-faire de Wellmann pour filmer les scènes de campements, son goût pour les rebondissements musclés, aussi. Je pense à la scène où Taylor abat froidement un gars qui a violé une fille, puis se détourne. Le corps du mec tombe dans le feu. Un autre gars dégaine, mais la tireuse à lunettes l'abat et sauve la vie de Taylor.
On retrouve aussi une idée chère à Wellman, par exemple dans "Au-delà du Missouri" : L'Ouest comme melting pot ouvert aux émigrants de tous les pays. Les langues se chevauchent, se croisent. Darcel peste en français contre Taylor (toujours la francophilie de Wellman, même si c'est la francophilie d'un soldat américain tout joyeux de découvrir le gai Paris). La veuve italienne découvre en arrivant que le gars qu'elle a choisi est un Italien. Le Japonais jure parfois dans sa langue et ne traduit que ce qu'il veut bien traduire à Taylor. A chaque fois, on sent la générosité de Wellman envers ces gens venus des quatre coins du monde pour chercher une nouvelle chance. Ford ne va pas aussi loin. Peut-être est-il en cela moins Américain que "Wild Bill".
Au premier tiers du film, les hommes de Taylor fuient presque tous, avec 8 femmes. Taylor va donc former les femmes au tir, et les employer comme des hommes, vaille que vaille.
Détails véristes :
- c'est un des rares westerns où ça sonnait vrai, les mouvements des cowboys acheminant des troupeaux de chevaux, avec une belle énergie virile. Probablement car Wellmann prend le parti pris de les filmer depuis le sommet d'un versant, en plan très large, mais qu'on entend tout de même leurs "Yaaaah !".
- Le chien qui trottine entre les roues du chariot sonne très vrai.
- Le rôle des chansons (en italien).
- Utilisation de palans et grosse perte de temps pour faire monter et descendre un col très raide aux chariots.
- Après une attaque par les Indiens dans un canyon, Taylor demande qui est mort. Les femmes crient le nom des victimes, nom qui est répercuté par l'écho. Très belle idée.
- Le tonnerre qui fait lever la tête aux mulets tous en même temps.
Humour omniprésent :
- Taylor disant "On aura de la chance si on n'en perd pas un tiers en route".
- A Chicago, des putes se font refuser de faire partie du convoi et protestent, avec leurs vêtements voyants "Je ne vois vraiment pas pourquoi on ne nous accepte pas !".
- La femme fine gâchette qui crache sa chique.
- Les deux femmes qui soufflent tout le monde en tirant comme des tireurs d'élite. Drôlissime. Plus tard, elles n'arrêtent pas de se chercher et se mettent salement sur la gueule.
- Les filles attachant leurs culottes en rang, celle de la grosse se détachant bien.
- Taylor qui fouette la femme qui l'aime avec un fouet de cocher. ^^
- La force surhumaine des femmes quand la roue du chariot dans lequel Rose est en train d'accoucher sort de son moyeu.
- Avant d'arriver, les femmes s'arrêtent et disent à Taylor d'aller leur chercher de quoi se pomponner, vu qu'elles ont abandonné leurs affaires avant la traversée du désert. D'un coup, elles semblent très sérieuse en lui disant bien de ne laisser aucun homme approcher.
Enfin, mention spéciale à Hope Emerson dans le rôle de Patience Hawley, femme opiniâtre et hommasse. Et idem pour Lenore Lonergan, adorable blonde à lunettes qui est un vrai as de la gâchette.
C'est un film que j'aime beaucoup. Je le trouve plus féministe que bien des pensums, après je me trompe peut-être.