Faut-il forcément porter aux nues les films montrés à Cannes, de peur de passer pour un imbécile ? Ma réponse est « non ». Un « non » plus que jamais assumé, après avoir littéralement subi le dernier film de Abbas Kiarostami, Copie conforme, unanimement encensé par la presse.

Un triomphe affolant, voire effrayant, car Copie conforme (quel titre alléchant) ne soulève absolument aucun intérêt cinématographique. De quoi ça parle ? D'une antiquaire (Binoche) qui retrouve son mari ingrat, théoricien de l'art de son état, revenu dans un village de Toscane pour faire la promotion de son dernier ouvrage devant une poignée de pédants. Le film démarre par l'interminable captation de la conférence sur le livre, d'un ennui abyssal, se poursuit avec les engueulades tordues du couple (oui, le couple est toujours névrosé dans le cinéma intello) à travers un dédale de ruelles de cartes postales, pour s'achever dans une minuscule chambre d'hôtel, où monsieur se regarde dans un miroir avant de sortir du cadre. Le propos, aussi excitant et plaisant que les escarmouches nocturnes de nos voisins du dessus, se voit magnifié dans sa nullité par une mise en scène à la platitude terrifiante, au rythme comateux. Binoche chiale, se maquille, se démaquille, marche, s'arrête, s'assoit, se relève. William Shimell s'ennuie, se morfond, se languit, tourne en rond, soupire, s'ennuie, se morfond, se languit, hausse un peu la voix, se calme, crispe son visage, s'ennuie, se morfond, se languit. Le tout filmé en plans séquences, fixes, horriblement bavards, pour bien montrer qu'on a de la bouteille... dans l'art de prendre le spectateur moyen pour un demeuré et de flatter la sinistre libido de quelques adorateurs du cinéma de la vacuité, ces mêmes créatures étranges, heureusement en voie de disparition, qui connaissent (ou prétendent connaître) l'extase devant la blancheur totale et immaculée de certains tableaux.

En parlant d'esthétique, c'est justement là que le film de Kiarostami vient tutoyer les sommets de la bêtise, au sein d'un paradoxe dont on ne saurait dire s'il est effrayant ou risible : ça blablate sur l'art, sans jamais atteindre la moindre dimension artistique. Avec une élégance et une audace scénaristiques empruntées aux mauvais feuilletons télévisuels du samedi après-midi, avec l'académisme de ses cadrages, que même le plus fervent élève de la Fémis pourrait renier, Copie conforme se présente sous les traits du plus rigoureux électro-cardiodrame plat. Comment un tel film, aussi peu ambitieux, aussi rasant qu'une conférence entre théoriciens poussiéreux, a-t-il pu trouver les faveurs des sélectionneurs de Cannes ? Plutôt que de lui réserver un triomphe, uniquement parce que les saints messieurs du Festival l'ont choisi, il serait grand temps d'arrêter de prendre la sélection cannoise pour parole d'Évangile, et surtout, cesser de s'agenouiller devant les figures soi-disant tutélaires de la Croisette. De la fadaise présentée sur un plateau d'argent restera indéfectiblement de la fadaise ! La presse a décidé de ne voir que le chatoiement du plateau. Respecter un film qui méprise la réalité même de spectateur ? Que son auteur a conçu pour le seul cercle hermétique de ses adorateurs ? Plutôt se faire hara-kiri que de cautionner une telle escroquerie ! A bon entendeur...

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le 6 août 2010

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