Éreinté par le tournage d'"Apocalypse Now" mais revigoré par son succès, Francis Ford Coppola se lance dans une nouvelle entreprise complètement folle. Finie la nature incontrôlable, le Napoléon du cinéma veut un contrôle total et absolu, tournant "Coup de cœur" en studio, allant jusqu'à y reconstituer une rue entière de Las Vegas. Le coût du projet : 26 millions de dollars. Pour des recettes dépassant à peine les 636 000 dollars. Une catastrophe qui n'a pas trouvé son public. En même temps, après la folie furieuse d'"Apocalypse Now", le public s'attendait sûrement à autre chose que cette histoire de couple qui se déchire, qui se quitte, qui va vers d'autres amants et qui se retrouve, finalement très mélodramatique et inscrite dans une trame narrative simpliste. Mais ce qu'il y a de plus troublant, c'est que Coppola se moque finalement de son histoire, elle n'est qu'un prétexte pour une expérience formelle ébouriffante et grandiloquente.


Difficile d'en vouloir au public américain d'avoir boudé le film donc. Mais quel film ! Derrière ses dialogues à la guimauve, ses situations déjà-vues et sa musique jazzy, c'est un vrai festival ! Contrôlant tout son décor et donc le moindre mouvement de caméra et le moindre éclairage, Coppola s'en sert pour montrer l'état intérieur de ses personnages, usant la colorimétrie pour définir une humeur, jouant sur les décors immenses, la profondeur de champ, s'autorisant des hommages à la comédie musicale, insistant finalement sur le fait que tout n'est qu'illusion. Impossible de ne pas succomber à la beauté de la direction artistique, au-delà du casting solidement composé (Frederic Forrest, Teri Garr, Raul Julia, Nastassja Kinski, Harry Dean Stanton) ce sont les décors la véritable star du film. Tout a l'air artificiel, tout a l'air trop parfait, trop grandiose pour être vrai et pourtant c'est un monde auquel on croit et auquel on adhère sans problème. Croyant à fond en son génie, Coppola s'est lancé dans une entreprise particulièrement risquée avec ce film mégalo, généreux, époustouflant et boursouflé. L'ensemble a beau être bardé de défauts, on sent tellement la passion qu'il y a derrière qu'on ne peut qu'admirer le tout, transporté par la technique incroyable qui y est déployée à défaut d'être transporté par les sentiments des personnages.

Alexandre_Coudray
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le 17 nov. 2016

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