J'ai un petit péché mignon de cinéphile, je le confesse : j'aime les comédies romantiques. J'ai été biberonné à ça et je reconnais regarder à peu près toutes celles qui me tombent sous la main. Je n'ai jamais pu m'y résoudre : j'ai eu beau adopter la carapace la plus cynique et hermétique possible, un Love Actually au moment de Noël ou un Quatre Mariages et un Enterrement un jour de pluie réveille l'esprit de la midinette que j'essaie tant bien que mal de séquestrer. J'aime les films où les gentils garçons embrassent les jolies filles à la fin, peut-être parce que je suis un gentil garçon. J'aime les films qui te font sortir de la salle le coeur en chou-fleur, au risque d'avoir encore un peu de guimauve à l'intérieur des oreilles.

J'ai aussi un autre pêché mignon : les acteurs. Je suis un adepte de la politique des acteurs. Je serais prêt à voir la pire bouse existante si Emma Stone trône sur l'affiche. Je peux m'endurer deux heures de documentaire sur la vie sexuelle des koalas si Steve Carell place une vanne bien sentie à la fin. Je suis en train de développer une attirance/haine envers Ryan Gosling assez troublante. N'y voyez pas là de refoulement homosexuel, je suis trop occupé à fondre littéralement sur mon siège quand Emma Stone apparaît dans le plan d'après. Julianne Moore rendrait une professeur d'algèbre passionnante à écouter, et quand on sait que derrière, il y a encore Marisa Tomei et Kevin Bacon pour compléter la carte postale, je me dis que décidément que ce programme est trop alléchant pour être réel.

Et en quelque sorte, il l'est. Le film est loin d'être mauvais et il sera certainement l'attrape-minette le plus efficace de cette rentrée 2011, avis aux amateurs. On y rigole beaucoup, Steve Carell est Steve Carell, c'est un Dieu inamovible de son socle qui dans 20 ans, avec les tempes grisonnantes et le regard plus fatigué encore, traînera son spleen à l'écran et se fera définitivement appeler le nouveau Bill Murray. Si vous n'avez pas peur que Ryan Gosling brise votre couple, à tout le moins vous le jalouserez d'être non seulement un pur canon (on se voile pas la face, messieurs, on peut pas lutter), mais aussi un acteur formidable. Et vous vous vengerez en jetant des oeillades plus discrètes que possible sur la future Gwen Stacy, âme de teenager geek, volontiers redneck dépravée dans le corps d'une Sylphide rousse descendue du ciel. Les acteurs sont beaux, ils jouent bien et ils prennent à l'évidence énormément de plaisir à jouer ensemble. On rigole beaucoup et le film cultive parfaitement l'art de la réplique bien sentie, oscillant constamment entre l'élégant et le graveleux (on n'en attendait pas moins des réalisateurs de l'excellent I Love You Philip Morris, eux même scénaristes du rejeton mal élevé Bad Santa) avec une certaine réussite. C'est joli, les bars et les maisons sont propres, les fringues sont neuves et les cocktails sont alléchants.

Mais voilà, c'est justement un peu trop joli. Bad Santa et I Love You Philip Morris sont des films parfois bancals, un peu mal foutus, criblés d'aspérités qui leur donne une certaine profondeur. Crazy, Stupid, Love, reste un peu trop en surface. Le scénario avance comme sur un billard, tranquillement, se permettant quelques pirouettes scénaristiques qui amusent parfois, mais qui peuvent aussi agacer. On voit le dénouement de certaines séquences arriver de loin, et sans spoiler quoi que ce soit, la fin du film fait retomber le tout sur ses pattes de manière un peu trop moralisatrice pour qu'on en garde un aussi bon souvenir que d'une première heure vraiment réussie. Ca ripoline plus que ça ne peint, et on aurait aimé un peu plus de subversion, ou en tout cas une mécanique justement moins mécanique. A trop vouloir jouer les petits malins, le scénario en perd un peu de sa force.

Au bout du compte, Crazy, Stupid, Love n'est pas la romcom ultime ni le film le plus original qui existe. Cependant il reste très plaisant et accomplit parfaitement son rôle. En se permettant au passage de livrer un message certes consensuel mais qui me parle intimement : mettons à mort les faux cyniques. Oui, j'ai le droit de rêver qu'un jour je ferais des cocktails magnifiques pour draguer Emma Stone et que je lui ferais faire l'avion comme dans Dirty Dancing avant de m'endormir sur ses genoux. Parce que je suis un gentil garçon.
Sharpshooter
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le 15 sept. 2011

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Julien Lada

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