Il ne combat pas pour son père, il combat pour son nom

Le 1er volet de Creed était pour moi un petit bijou totalement imprévu qui faisait déjà suite à un Rocky Balboa surprenant. On redécouvrait la série et surtout un Sylvester Stallone vieillit et plus mûr.
Cette suite, quasi directe, de Creed, arrive 3 ans après et s’avère toujours aussi réfléchie et intelligente. Mais non, elle n’égale pas la performance du 1er volet. Ce dernier était bien trop réussi visuellement, était portée par une histoire et une quête d’identité qui portait le film avec un souffle haletant. La réalisation de Coogler offrait en plus quelques scènes de qualité, notamment ce plan séquence boxé totalement fou.


Et finalement, c’est ce dernier point qui fait défaut à cet opus. La réalisation est en-deçà de ce à quoi l’on pouvait prétendre. Si le dernier combat est magistral de dureté, de courage, d’intensité et que certaines scènes restent pleines d’émotions et/ou visuellement très réussies, ce n’est tout de même pas du même niveau. Peu de scènes restent en tête et l’on ressort de la séance, à la fois, époustouflé par le souffle héroïque et frustré de ne pas avoir eu des scènes d’anthologies.


Mais trêve de comparaison, au delà de la patte visuelle moins qualitative, c’est aussi sur l’aspect de l’adversaire que cet opus fait défaut. Drago fils est certes un monstre physique, son personnage, silencieux, apporte peu sur l’ensemble. Le duo qu’il forme avec Dolph Lundgren est l’exact contraire de celui que forme Creed et Rocky. Si cela se comprend et nourrit le film car chacun est le miroir de l’autre, leur relation est finalement peu travaillée et on apprend à l’aimer, on la comprend seulement, après ce jet de serviette ensanglantée. Le reste du temps, cette relation semble est survolée.


Outre ces deux points faibles, ce Creed II remplit son contrat, car la boxe reste un sport de cinéma formidable. Les scènes de combat déboitent et dégagent une puissance émotionnelle incroyable avec un souffle de courage fou.
Elles transpirent de rage autant que de noblesse. Elles découvrent le héros, qu’il soit l’adversaire où non. Elles rendent admiratif du parcours de ces deux hommes, l’un sans père, l’autre sans mère. Ils ont eu le même manque d’un parent, l’un a été élevé dans l’amour de sa mère, l’autre dans la pauvreté de l’Ukraine et la rudesse de son père déchu. Finalement chacun est le miroir de l’autre et cela donne à leurs duels une véritable profondeur et surtout, du sens.
Le souffle héroïque qui règne durant leurs deux affrontements est réel car il est portée par une rancœur, l’un veut laver l’échec de son père, l’autre rendre honneur à son père, puis finalement sauver son nom et ceux qu’il aime.
C’est d’ailleurs, ce nom, Creed, qui représente cette filiation que Stallone construit depuis Rocky Balboa puis via Creed.
Ce film est une nouvelle fois une épopée romantique entre un boxeur de talent et une chanteuse sourde, c’est aussi une épopée familiale mais surtout une épopée de respect entre un Rocky, père d’adoption et Creed, fils en quête d’identité.
L’identité qui reste un thème primordial du film pour les deux adversaires mais aussi pour Rocky qui est toujours brillamment interprété par Sylvester Stallone. Son regard, sa voix, sa présence dégagent une sagesse et captent le regard d’un simple mouvement. Ses premières paroles nous font immédiatement vibrer et donnent instantanément le ton au film. Il habite ce rôle comme jamais, c’est admirable. Ce Rocky vieillit représente l’humilité et le respect, c’est l’Exemple.
Son petit, Creed, est toujours très bien habité par Michael B Jordan qui dégage une puissance physique assez fascinante. Ce Creed, c’est lui. Cette puissance, cette rage, mais aussi cette détresse quand le champion se fait détruire…Jordan le fait passer avec énormément d’intensité et la réalisation rend honneur à tous les états dans lequel il passe au fur et à mesure du film. Sa rage de vaincre, sa soif d’honneur, son asphyxie de la défaite…tout y passe et Jordan est vraiment convaincant. Puis cette reconstruction en plein désert vaut le détour.


L'ensemble est toujours soutenu par une bande-son de qualité, reprenant à la fois le thème historique de la série tout en reprenant la nouveauté apporté par Creed comme pour rappeler la filiation entre Rocky et Creed. Elle se passe à l'image mais aussi par le son. L'héritage de l'un pour servir l'existence de l'autre.


Et finalement, Creed II boucle la boucle avec efficacité, Creed retrouve Apollo et Rocky retrouve Robert. Chacun a corrigé ses erreurs et peu, ainsi, tourner la page.


Ce Creed II est un beau film, bien rythmé, bien écrit, qui reprend les codes de Rocky avec une belle science de l’équilibre. A la fois tendre et violent, cet opus brille par sa capacité à jouer sur le rythme, parfois lent et doux, limite reposant quand Creed et Bianca se retrouvent, entre eux, à trois, regard vers le plafond, pour avancer. A d’autres, il est violent car les os craquent, car le corps est abîmé, car le boxeur noble est en train de chuter face à la rudesse d’un boxeur dépassant le cadre, touchant un homme à terre. Et enfin, émouvant quand Rocky renoue avec le passé, quand l’homme dépasse sa douleur pour laver son nom.


La force de Creed II, c’est de faire passer le spectateur par toutes les émotions et d’utiliser avec beaucoup d’efficacité la Boxe pour délivrer, n’ont pas un film de boxe, mais un film d’Homme, pour mettre en scène des parcours, des erreurs, des amours, des choix afin de nous rappeler que nous n’avons à faire qu’à des hommes, aussi héroïque soit-il.


Bravo Sylvester Stallone. Chapeau.

Halifax

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9

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