Deuxième épisode de la série Creed mais surtout huitième entrée de la saga Rocky, Creed II suit scrupuleusement la recette de ses ainés, et s’il n’est pas révolutionnaire, il a au moins l’avantage d’être efficace.


Dès l'affiche est annoncé un faux-remake de Rocky IV qui voyait Ivan Drago (le grand Dolph Lundgren) tuer sur le ring le meilleur ennemi de Rocky, Appolo Creed, avant de se prendre une rouste de la part de l’étalon italien, mais surtout l’occasion à l’époque de créer un film de propagande grand public si terriblement ancré dans les années 80 qu’il en est devenu jouissif avec son sous-texte discret comme un cachalot dans le bassin des carpes de mémé, involontairement parodique. Aujourd’hui Adonis Creed se fait défier par Viktor Drago (Florian Munteanu, 1m93, 111 kg, boxer pro, et en plus il est bon dans un rôle pas facile, très très bon choix de casting), golgoth Russe forgé dans la haine de ses américains qui ont battu son père, entraînant sa déchéance. Alors forcément en 2019 on y va un tout petit peu moins fort sur les russkoff qui se font des piqûres d’anabolisants dans des grands laboratoires fabrique à super-athlètes sur une musique des chœurs de l’armée rouge, on a juste des visions sous filtres bleus de la zone indus de Kiev pour montrer que les méchants Russes hypocrites avec leurs champions ont moins de valeurs familiales que les ricains et que c’est pour ça qu’ils perdent. Ah ben oui, c’est bien connu, l’entrainement c’est secondaire.


Valeurs familiales, parlons-en : pour le coup, les Rocky ont – surprise pour les non-initiés qui se demandent pourquoi on entend le thème des grosses têtes dans le film – toujours accordé une part importante développement du personnage central. Rocky premier du nom avec sa structure surprenante au premier coup (comme Rambo I d’ailleurs) passe facilement 75 % du film à présenter son personnage, sa vie dans un quartier défavorisé de Philadelphie et ses relations, credo repris dans l’excellent Creed écrit et réalisé par Ryan Coogler (Black Panther, oui oui celui-là) où l’on découvrait ce « fils de » qui voulait faire ses preuves et affrontait lui-même , la légende de son père, une ville différente des quartiers chicos de L.A. où il avait grandi, bref, c’était foisonnant. Ce Creed II, en se reposant trop sur son adversaire « héréditaire », développe guère plus qu’un chouïa son héros qui subit beaucoup trop les événements au point que l'on se demande ce qui est arrivé au Michael B. Jordan pile électrique de l'épisode d'avant. Idem pour  Tessa Thompson et surtout Stallone qui, s'il roule toujours des mécaniques en arrière-plan dans son rôle de mentor dinausoresque à la sagesse brute dispensée d’une voix caverneuse, n'est là aussi pas au niveau de sa nomination aux Oscars de 2016 (meilleur second rôle masculin, check google si tu me crois pas).


Enfin, et c'est presque le plus dommage, les scènes de combat souffrent de ce scénario sous-écrit : on en devine l'enjeu avant même le premier son du gong,  et l’enthousiasme demeure modéré pour la réalisation qui fait le café mais guère plus.


Du coup, le retour à demi manqué de Drago, trop peu présent, reste efficace. La formule baston, scène de famille, doute, séquence d’entrainement sur fond de musique entraînante (rien qui ne bâte toutefois l’indétrônable Eye of the tiger) fonctionne. Mais quitte à piller abondamment les précédents films, il manque ici un nouveau « Appolo Creed » en somme, un adversaire récurrent à notre champion dont la relation maître élève avec Rocky tourne désormais à vide, tout a été dit. Le fan ne boudera pas son plaisir, il n’y a pas de raison, mais ce travail de yes-man pas loin de frôler un minimum syndical autant dans la réalisation que l’écriture en fait le film le moins galvanisant depuis la résurrection de la franchise, loin de l’émotion des meilleurs épisodes et encore plus loin de l’hyper spectaculaire ridicule mais truculent de Rocky IV qu’il entend plagier. Dans une série télé, on appellerait cet épisode un filler, pas désagréable, pas effrayant pour la qualité de la suite, mais tout à fait dispensable.


(objectivement ça doit valoir 5 ou 6 mais je suis un fanboy)

Cinématogrill
7
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le 8 janv. 2019

Critique lue 143 fois

Cinématogrill

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