Quand l'on s'étonne que le film de Kiyoshi Kurosawa est "mou", c'est ne rien comprendre à toute sa filmographie : dans sa structure et sa mise en place, d'une cohérence inouïe avec son propos, Kurosawa développe cette même sensation langoureuse depuis plus de vingt ans.
Comment peut-on s'en étonner aujourd'hui?
L'une des plus éclatantes et l'une des plus sidérantes réussites de Kurosawa, bien supérieure à ce qu'on a pu voir du cinéaste depuis très longtemps. Kitano avait permis de faire éclater au grand public l'étendue de son art avec Hana-Bi, par petites touches, il en est de même ici. Clins d'oeil partout et nulle part, les méduses, son acteur sidérant, ses insectes, le vent, le voilage dans la salle à manger, les ordinateurs omniprésents, les salles d'interrogatoire, la séquence dans le van, on continue? C'est l'oeuvre de la maturité, dans son cadrage au cordeau et ses mouvements d'appareil délivrant le malaise à travers des jeux de lumière et de son renvoyant à ses meilleurs films : Cure, Kaïro ou encore Charisma.
Les haters vont haïr : Teruyuki Kagawa, plus de vingt ans après sa première collaboration avec le cinéaste, est le digne psychopathe que les américains n'ont jamais réussi à dépeindre depuis Hitchcock. C'est sans doute aussi ce qui caractérise parfaitement Creepy : sa manière de dépeindre une horreur banale et souterraine, cachée derrière nous, à quelques pas de notre porte. Et le sous-sol devient l'enfer, l'absence d'échappatoire, le nihilisme absolu.
Bien que certaines scènes de romance ne fonctionnent pas, qu'Hidetoshi Nishijima fasse la même tronche de la première à la dernière scène et que le titre du film est délicieusement naze, on quitte la salle tétanisé et, paradoxalement, heureux. Heureux d'avoir retrouvé l'horreur sourde et, n'en déplaise aux haters, lente. Shinji Somai était-il un maître du rythme ? Non, un maître tout court. Oui. Alors?