Crime à froid, mythique film à la vengeance à contre-courant

Critique: https://branchesculture.wordpress.com/2015/07/06/crime-a-froid-mythique-film-a-la-vengeance-a-contre-courant/


Bach films vient d’éditer en DVD Crime à froid (Thriller, en grym film dans sa version originale), réalisé par Bo Arne Vibenius au début des années 1970. Frigga, une jeune femme rendue mutique par le traumatisme d’un viol subi dans son enfance, est séduite par un jeune homme qui la séquestre, la drogue et la contraint à se prostituer, lui crevant un oeil au passage lorsqu’elle manifeste sa résistance. Entre-temps, le souteneur écrit des lettres haineuses au nom de Frigga aux parents de cette dernière, les poussant au suicide. Avec le temps, Frigga va apprendre à se venger, s’entraînant au tir, au karaté et à la conduite sportive…


Rendu culte suite aux Kill Bill de Quentin Tarantino, qui y a puisé le sujet ainsi que le côté pirate de Daryl Hannah, Thriller s’inscrit dans la tradition rape and revenge, très en vogue dans les années 1970 (on peut citer, entre autres, La source, La dernière maison sur la gauche, I Spit On Your Grave) et met constamment le spectateur mal à l’aise. Les jeux de réverbération sur les sons (parfois stridents) et les musiques peu harmonieuses installent un climat oppressant d’emblée, de même que le rythme extrêmement lent de l’ensemble du métrage (à l’exception des scènes d’entraînement). Ajoutons à cela les inserts pornographiques lors des relations sexuelles de la pauvre Frigga (l’actrice Christina Lindberg précise bien dans le bonus du DVD n’avoir pas participé à ces inserts, malgré les rumeurs qui ont longtemps couru). La majeure partie du film des réservée au calvaire de l’héroïne et à son redressement progressif dès qu’elle décide de prendre les choses en mains pour supprimer tous ses bourreaux.


Pour être franc, je m’attendais à une dernière partie (la dernière demi-heure, me semble-t-il) montrant une vengeance jouissive. Il n’en est rien. Là où l’on attendrait des scènes de violence crue, rapide et sèche, le réalisateur a opté pour des ralentis extrêmement poussés, qui contribuent au climat très morne de l’oeuvre et empêchent finalement de prendre plaisir devant les actes de Frigga. Le personnage sort même du cadre de sa quête lorsqu’il s’attaque à deux policiers (lesquels ne sont a priori pour rien dans son malheur). On notera tout de même, avec joie encore une fois, le côté très westernien du duel final, qui oppose Christina Lindberg à Heinz Hopf, et le raffinement du procédé de mise à mort.


Au final, j’ai été très content de pouvoir enfin découvrir ce film mythique dont j’avais tant entendu parler, et très surpris devant les choix de mise en scène. Vu le côté lent et non jouissif de la vengeance, j’ai préféré tout ce qui précède, c’est-à-dire la plongée de Frigga dans l’enfer de la drogue et de la prostitution, et les préparatifs de sa lutte finale. Une vengeance à contre-courant, de nos attentes surtout, ralentie et surprenante, tant elle désincarne la jouissance d’habitude de mise lors de pareille séquence. Un choix qui peut sembler incompréhensible (ou peut-être que si, quand on s’aperçoit que Bo Arne Vibenius a travaillé pour le Bergman de La Source, Persona et de L’heure du loup et a peut-être subi son influence) mais qui révèle un réalisateur pour le moins audacieux et passé à la postérité en trois films (silence radio depuis 1983 !) Et, pour autant qu’on ait relativement le moral accroché et, bien sûr, qu’on n’ait rien d’emblée contre ce genre cinématographique du rape and revenge, il s’agit d’une belle oeuvre à découvrir, un incontournable de par son aura plus de quarante ans plus tard.


Chronique de Gérald Sanzo

Alexis_Seny
7
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le 9 juil. 2015

Critique lue 485 fois

Alexis Seny

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