Excellent film à l'ambiance gothique anglo-saxonne avec des fantômes. Crimson Peak ressemble à une œuvre précédente de Del Toro (L'Échine du Diable), à la différence qu'au lieu de la Guerre civile espagnole des années 30, le réalisateur choisit les États-Unis et l'Angleterre de la fin du XIXème siècle avec une inspiration claire à la vie et l'oeuvre tragique de Mary Shelley et son cercles de poètes damnés.


Rappelons déjà que Guillermo Del Toro a donné au fantôme la définition suivante :



Qu'est qu'un fantôme ? Une tragédie condamnée à se répéter




Le Gothique de Guillermo Del Toro



Rappelons également le film Gothic (1986) de Ken Russell, lui aussi inspiré des mythes et légendes autour de Mary Shelley et ses amis lord Byron (réputé pervers et libertin) et Claire Clairmont (sa femme mais montrée comme cousine ou sœur incestueuse de lord Byron dans Gothic). Ken Russell avait mis en scène Mary confrontée à un lord Byron louche, cachant son jeu avec sa sœur/cousine, et ayant des visions de son enfant mort.


Or, Crimson Peak révèle que :


Sir Thomas Sharpe et sa sœur Lucille sont incestueux, matricides et féminicides. Thomas et Lucille seraient des versions psychopathes de Byron et Clairmont, tandis que Edith Cushing (l'héroïne jouée par Mia Wasikowska) serait Mary Shelley - d'autant qu'Édith dit qu'elle préfère finir veuve comme Shelley (ce qui lui arrive à la fin).


De surcroit, les fantômes rouges ressemblent beaucoup à celui de L'Échine du Diable (du sang s'écoule indéfiniment de leurs corps en charpie, comme s'ils étaient sous l'eau ou morts noyés).


Sinon, bien sûr le film a une esthétique baroque/gothique très colorée et magnifique avec des prédominances de vert (dégoût, suspicion, froid, peur) contrastée avec de l'orange (la vie, le bonheur) en miroir avec le rouge (la mort ... ou plutôt la vie et la tragédie refusant de quitter le corps, la volonté muée en désir de revanche et de justice, produisant ces aberrations que sont les fantômes = les tragédies condamnées à se répéter).


Et hormis L'Échine du Diable et Gothic, le manoir Crimson Peak a des allures de Maison Usher comme dans la nouvelle d'Edgar Allan Poe : le manoir est en ruine (sur le point de faire sa Chute de la Maison Usher), suinte d'argile rouge sang, est bordée de vert/bleu glauque et de papillons de nuit géants qui contrastent avec la robe et la chevelure blondes vénitiennes ou rousses de Édith (d'ailleurs, elle devient plus verte quand elle est empoisonnée et plus rousse quand il s'agit de se défendre).



Alice au Pays des Horreurs



Toutefois l'esthétisme n'est pas tout, et on peut reprocher à Guillermo Del Toro certaines choses (mais très peu) :



  • On garde de Mia Wasikowska le malheureux souvenir de Alice au Pays
    des Merveilles
    de Tim Burton et l'actrice paraît encore un peu
    fade
    par moments tout en ayant des aventures à fond la caisse. Fort
    heureusement, l'histoire se voulant plus subtile (mélange de thriller
    et d'horreur avec les enquêtes d'Edith) son jeu d'acteur est plus
    adapté au rythme.

  • Les fantômes sont certes plus impressionnants que dans l'Échine du
    Diable
    , ils ont l'air également plus artificiels en raison de CGI
    plus perceptibles, et sont aussi moins actifs
    (certains sont des
    paraphrases vivantes et laissent Edith les venger, contrairement à
    celui de l'Échine qui se vengeait directement).

  • La machine que veut produire les Sharpe semble presque anachronique
    alors que l'histoire se passe en 1901,
    mais elle a son utilité
    scénaristique et semble saigner la terre rouge sang comme on saigne
    quelqu'un. mais je chipote.



En bref : La Maison de l'Échine gothique du Diable d'Alice au Pays des Horreurs



Pour résumer, c'est un bon film d'épouvante gothique à mi-chemin entre L'Échine du Diable et Le Labyrinthe de Pan mais dans un contexte victorien, plus de budget et de couleurs, le tout transpirant le style de Del Toro tout en se démarquant légèrement (on garde plein d'effets spéciaux traditionnels mêlés aux CGI et 3D qui passent heureusement crème ou rouge sang). Je pense toutefois qu'il plaira avant tout à quelques "initiés" de Toro, Shelley et peut-être même de The Hanting (La Maison du Diable de 1963) ou encore de Lewis Caroll.

darevenin
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le 19 nov. 2020

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darevenin

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