Exercice artistique réussi pour Guillermo del Toro

Voulant laisser de côté (indéfiniment ?) l’univers des blockbusters (et Hellboy 3 ? et Pacific Rim 2 ?), le réalisateur mexicain Guillermo del Toro revient à son cinéma de prédilection, à savoir celui de l’horreur. Mais cette fois-ci, il oublie son amour pour les monstres et préfère se consacrer à une autre thématique du genre : la maison hantée, et plus particulièrement les fantômes. Autant dire que de la part de l’un des cinéastes actuels les plus acclamés pour ce qui est de son sens artistique et visuel (il suffit de voir les Hellboy et surtout Le Labyrinthe de Pan), Crimson Peak faisait partie des films les plus attendus de 2015. Au final, le résultat est à la hauteur de ce que l’on pouvait espérer, même si certains resteront sans l’ombre d’un doute sur leur faim.


Et pour cause, si vous vous attendiez à un véritable film d’horreur dans lequel les esprits frappeurs viennent terroriser les protagonistes, préparez-vous à être déçus. En effet, dans Crimson Peak, les ectoplasmes sont relégués au second plan, servant de prétexte à l’intrigue principale. Il est vrai que durant le film même, Guillermo del Toro et son coscénariste Matthew Robbins préviennent le public via une mise en abyme ingénieuse (le livre qu’écrit l’héroïne) soulignant qu’il s’agit d’une histoire avec des fantômes et non de fantômes. Mais quelque part, cela se révèle plutôt frustrant. D’autant plus que Crimson Peak s’intéresse à un récit sentant le déjà-vu à plein nez, à tel point que le dénouement se devine dès les premières minutes du long-métrage (notamment à cause de scènes révélatrices montées au début, surtout en ce qui concerne les messes basses du frère et de sa sœur). À aucun moment vous ne serez surpris, et c’est fort dommage.


Néanmoins, il est impressionnant de voir à quel point une intrigue aussi banale parvient à capter l’attention. Cela, nous le devons à un travail d’écriture propre au réalisateur (et qui touche la majorité de ses films) qui permet de transformer un récit classique et des personnages clichés en véritables sources d’intérêt pour le spectateur. Par le biais de répliques vraiment bien pensées, un côté romancé très premier degré assumé et des comédiens vraiment bons dans leur interprétation respective, l’ensemble passe haut la main. Même, malgré le fait que le spectateur appréhende à l’avance ce qui va se passer, on se laisse porter de bout en bout par l’intrigue tout en s’attachant aux divers protagonistes, jusqu’à un final assez brutal, il faut bien l’admettre. C’est divertissant et captivant. Que demander de plus ?


Mais là où Crimson Peak ne devait pas se louper, c’est dans son aspect technique (étant donné que la promotion du film s’est notamment faite autour de cela). Et fort heureusement, c’est dans ce domaine qu’il réussit le plus. N’allons pas par quatre chemins : le nouveau long-métrage de Guillermo del Toro est un véritable régal pour la rétine. Qui plus est, Crimson Peak se révèle être un exemple pour toutes les grosses productions usant d’un budget colossal pour un résultat moins impressionnant (pour ne pas dire moins réussis). Avec ses 55 millions de dollars, le film propose de splendides costumes et décors, colorés et surtout réalistes, bien loin des effets numériques usés ici quand c’est vraiment nécessaire et non en surdose. Il suffit de voir la demeure principale de l’intrigue, personnage à part entière magnifié par le souci du détail et la mise en scène de del Toro. Un travail artistique exceptionnel (sans doute le plus abouti du réalisateur avec Le Labyrinthe de Pan) qui ne se montre jamais tape-à-l’œil, servant avant tout à instaurer une ambiance horrifico-gothique de haute volée (aidée par une très bonne bande musicale), cependant gâchée par instants par des jump scares inutiles, faciles et un chouïa foireux.


Exercice de style réussi avec brio par Guillermo del Toro, qui confirme une fois de plus son statut de réalisateur talentueux, d’artiste hors pairs. Oui, il faut bien avouer que Crimson Peak méritait un scénario bien plus abouti que cela et qu’il aurait pu oser sur bien des choses au niveau de l’intrigue. Surtout si vous vous attendiez à une histoire de fantômes, comme il fut question pendant un temps. Mais le résultat reste bluffant et fait honneur à la filmographie de son réalisateur. Et quel plaisir de voir un film de cet acabit plutôt que de perdre son temps avec des blockbusters qui se ressemblent et qui n’arrivent même plus à divertir !

Critique lue 344 fois

4

D'autres avis sur Crimson Peak

Crimson Peak
Veather
5

Prim Son Creak

Le titre en anagramme ça peut faire « fils guindé grincement ». Je me suis creusé la tête, t'as vu. Rarement j'ai vu dans un film des scènes de sexe risibles à ce point. On n'y ressent...

le 18 oct. 2015

66 j'aime

20

Crimson Peak
Behind_the_Mask
9

La délicatesse du macabre

C'est peu dire que je l'attendais, Crimson Peak, depuis que le projet fut officialisé comme prochain film de l'ami Guillermo Del Toro. Mais je voulais préserver à tout prix la magie, le mystère,...

le 14 oct. 2015

64 j'aime

39

Crimson Peak
zoooran
6

Le Toro par les cornes

En cette belle soirée du 28 septembre, Mia Wasikowska, Tom Hiddleston et le "maestro" Guillermo Del Toro étaient à Paris, à l’UGC Bercy, pour présenter une des plus grosses attentes de cette fin...

le 29 sept. 2015

55 j'aime

7

Du même critique

Batman v Superman : L'Aube de la Justice
sebastiendecocq
8

Un coup dans l'eau pour la future Justice League

L’un des films (si ce n’est pas LE film) les plus attendus de l’année. Le blockbuster autour duquel il y a eu depuis plusieurs mois un engouement si énormissime que l’on n’arrêtait pas d’en entendre...

le 28 mars 2016

33 j'aime

1

Passengers
sebastiendecocq
5

Une rafraîchissante romance spatiale qui part à la dérive

Pour son premier long-métrage en langue anglophone (Imitation Game), Morten Tyldum était entré par la grande porte. Et pour cause, le cinéaste norvégien a su se faire remarquer par les studios...

le 29 déc. 2016

29 j'aime

La Fille du train
sebastiendecocq
4

Un sous-Gone Girl, faiblard et tape-à-l'oeil

L’adaptation du best-seller de Paula Hawkins, La fille du train, joue de malchance. En effet, le film sort en même temps qu’Inferno (à quelques jours d’intervalles), un « Da Vinci Code 3 » qui attire...

le 28 oct. 2016

28 j'aime

4