Lorsqu’on place d’énormes attentes sur un film, il y a plusieurs manières de le percevoir : soit il est à la hauteur et par conséquent il est parfait, soit il ne l’est vraiment pas et c’est la déception, soit on tombe sur un cas comme celui de Crimson Peak. A ma première vision, j’ai beaucoup aimé mais je suis resté sur ma faim, parce que le résultat était différent de ce que j’imaginais, parce que trop d’excitation, ce qui ne m’a pas laissé le temps de réellement apprécier le film, comme un gâteau très bon que l’on mange trop vite sans le déguster. Bref, il fallait que je le revois, cette fois en sachant à quoi m’attendre et avec la barre de mes attentes légèrement revues à la baisse. Après deux visions en IMAX, j’ai enfin les idées plus claires, et le nouveau film de Guillermo Del Toro n’est pas (encore) un chef d’œuvre, mais c’est un grand film complexe qui s’améliore à chaque vision et qui je pense n’a pas fini de délivrer ses secrets.


La première chose qui frappe avec Crimson Peak, et qui semble mettre tout le monde d’accord, c’est que le film est visuellement sidèrent. Le cinéaste mexicain nous a habitué à des films esthétiquement somptueux, de L’Échine du Diable à Pacific Rim en passant par Le Labyrinthe de Pan, mais celui-ci est sans aucun doute son plus magnifique, j’irai même jusqu’à le déclarer plus beau film que j’ai vu en salle cette année. Le manoir est hallucinant de beauté lugubre, sonne totalement vrai, en plus d’être super bien défini géographiquement (chaque pièce peut être reliée de tête aux autres). Superbement mis en scène et éclairé par la splendide lumière de Dan Lausten (Silent Hill), de l’étendu de la palette de couleur au jeu sur les ombres très travaillé pour offrir au film une ambiance unique, mis aussi en valeur par la très belle musique de Fernando Velázquez.


Pardon pour l’emphase et les superlatifs, mais c’est un véritable festin pour les yeux, surtout pour l’amateur de manoir hanté que je suis. Et c’est la raison pour laquelle Crimson Peak était au sommet de mes attentes de l’année puisque je suis fasciné par ce genre particulier bien trop rare aujourd’hui, par des films tels que La Maison du Diable, Les Innocents, Shining (ces trois-là étant de grosses références pour le film dont on parle), Les Autres, Poltergeist, The Conjuring, Casper, et même Le Manoir Hanté et les 999 Fantômes avec Eddie Murphy, c’est dire (pas Hantise par contre, faut pas déconner)… Tous cependant ne sont que les fragments d’un fantasme de film de maison hantée idéal, que Crimson Peak pouvait prétendre être, mais n’est finalement pas.


Mais du coup qu’est-il vraiment ? Quelle est l’histoire qui se cache derrière la façade esthétique ? Et bien c’est celle, située au XIXème siècle, d’Edith Cushing, jeune romancière américaine croyant aux fantômes, tombant sous le charme du mystérieux Thomas Sharpe, membre déchu de la noblesse anglaise vivant avec sa soeur Lucille dans un vieux manoir délabré. Ma frustration lors de ma première vision, c’est que le scénario est effectivement assez simple, évident voir même prévisible et expliqué par des dialogues redondants avec ce que l’on comprend tout seul. On devine effectivement vite que quelque chose ne tourne pas rond chez les Sharpe (et pas d’inquiétude, il n’y aura pas de spoiler ici). Aussi, malgré les quelques scènes d’angoisse plutôt réussies même si très classiques, nous sommes pas vraiment dans de l’épouvante mais plutôt dans une romance gothique aux élans de sentiments presque outranciers et où l’élément fantastique n’est pas le cœur de l’intrigue mais un rouage qui permet à l’histoire d’avancer et au mystère de s’éclaircir. L’héroïne, interprétée par la merveilleuse Mia Wasikowska, sert alors d’avatar au spectateur, et les caractéristiques qui la définissent, à savoir sa candeur et sa curiosité, seront les outils qui lui permettront d’étudier les personnages fondamentaux, ceux qui intéressent véritablement le cinéaste mexicain : les Sharpe.


Encore une fois, si aux premiers abords le film est assez clair et semble rester en surface ce qui peut laisser un sentiment de froideur émotionnelle, ce sont les secondes visions (on y revient) qui m’ont permis de me prendre une baffe et de réaliser à quel point le film est plus complexe qu’il en a l’air. Car ce malicieux Guillermo Del Toro ne s’est pas contenté de faire du beau pour faire du beau, il s’est amusé à parsemer dans le décor, dans les costumes ou encore dans les couleurs une multitude d’indices comme autant d’éléments narratifs supplémentaires permettant de marier en beauté le fond et la forme. La vision devient alors ludique et l’image nous livre toutes les pièces d’un puzzle représentant l’étendu de la complexité des personnages brillamment joués par Jessica Chastain et Tom Hiddleston. Et soudainement on se met à réaliser les enjeux dramatiques et à ressentir l’ampleur émotionnelle de Crimson Peak, une véritable histoire d’amour tragique et torturée aux relents malsains où la puissance d’un sentiment va de pair avec les monstruosités qu’il incite et qui, comme toujours, atteint son apogée dans un final aussi prenant que bouleversant.


Je pense que je suis encore loin d’en avoir fait le tour, mais en tout cas, si il n’était pas ce que j’attendais, le film de Del Toro a su me surprendre et m’éblouir petit à petit. Certains films marquent dès la première vision tandis que d’autres ont besoin de temps pour être vus à leur juste valeur, et je pense que c’est dans cette deuxième catégorie que s’inscrit Crimson Peak. Claque visuelle dissimulant une passionnante énigme à résoudre, il s’agit là d’une œuvre cinématographique exigeante, un mot qui ne se veut pas condescendant mais qui demande simplement au spectateur d’être actif, sans forcement avoir besoin se casser la tête mais juste en se laissant plonger dans l’ambiance singulière de ce manoir hanté et du conte de fée tragique qu’il nous raconte.


Julien vs The Movies

Belloq
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le 30 oct. 2015

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