Que pouvait on réellement espérer d'une production Disney quand bien même elle se vantait de proposer le film le plus sombre jamais tourné pour le studio de la souris aux grandes oreilles ? Cette production qui se propose d'explorer l'origine story de la méchante charismatique des 101 Dalmatiens dans le swinging London des seventies avait pourtant deux trois beaux atouts dans sa poche à commencer par la présence de Graig Gillespie à la mise en scène ( Moi Tonya) et celle d'Emma Stone devant la caméra. Loin d'être désagréable à regarder Cruella n'en est pas moins une cruelle déception, un film dans l'air du temps qui surfe sur différentes modes ( Origine story - Adaptation live - Féminisme à coup d'héroïnes badass ) mais qui oublie l'essentielle, faire exister son personnage en tant que véritable méchante.


Cruella nous propose donc de suivre l'enfance et la jeunesse d' Estrella une gamine turbulente, devenue orpheline et qui tente de percer dans le milieu de la mode. La jeune femme se retrouve vite confronter à la baronne von Hellman, une figure tyrannique de la mode dont le destin est intimement lié à Estrella.


Commençons par les points les plus positifs qui sont quasiment tous liés à la mise en scène très inspirée et très agréable de Graig Gillespie. Avant de sombrer dans une certaine routine moins palpitante faute d'enjeux majeures, Cruella est un film qui possède vraiment du charme, du style et surtout beaucoup d'énergie. La caméra virevoltante de Gillespie nous entraine avec bonheur dans les pas de cette jeune orpheline ambitieuse et combative et c'est un vrai plaisir de se retrouver immerger dans l'ambiance de ce Londres des années 70 avec une belle richesse de décors, de costumes et d'univers. Le film est également porté par une excellente bande originale très efficace même si l'aspect robinet à hits déversés d'un juke box sans discontinuité pourra aussi agacer par sa facilité. L'univers globale du film est vraiment très soigné et le film nous offre pleins de jolis moments comme les différents happenings de mode durant lesquels se révèle tout l'aspect iconique et gentiment punk de Cruella (La scène du camion poubelle - La robe sertie de perles - La tenue flambée révélant la robe rouge sang ...). Le film nous offre aussi un très joli duel de comédiennes avec les deux magnifiques Emma, d'un côté Emma Stone assez formidable dans les limites un peu étroites de ce que le personnage lui autorise de faire et de l'autre Emma Thompson impériale en véritable méchante du récit. Techniquement et visuellement Cruella est un formidable divertissement devant lequel il est objectivement difficile de s'ennuyer, Graig Gillespie propose un spectacle ludique et pêchu qui souffre surtout de très gros problèmes d'écritures qui vont même finir par plomber l'énergie du film dans son dernier tiers.


Alors bien sûr je sais parfaitement que nous sommes dans une production Disney et que même si le projet se voulait plus sombre qu'à l'accoutumée je n'imaginais pas une seconde voir Cruella clope au bec et folie chevillée au corps dépecer des clébards pour se faire un manteau. En revanche j'espérais vraiment que le film conserverait ce statut de méchante quand bien même on viendrait nous raconter les traumas matricielles de la folie du personnage. Si Estrella/Cruella reste une héroïne forte, provocatrice et badass, elle est loin d'être cette punk anarchiste, cruelle et méchante que l'on pouvait attendre d'un tel film. Pire encore afin de la faire exister à l'écran le personnage titre a besoin d'un antagonisme avec ce qui est pour le coup une vraie méchante en la personne de la baronne Von Hellman, ce qui transforme alors presque le personnage de Cruella en une gentille petite fille à la vie difficile. Protectrice des orphelins, amoureuse des toutous, refusant finalement de faire du mal y compris à sa pire ennemi, Cruella semble finalement être une bien pâle méchante de cinéma, tout juste une héroïne badass et gothique de plus pour les petites filles qui en auront marre des princesses. Moi qui espérais savoir pourquoi est elle si méchante , je me suis retrouvé devant voilà pourquoi elle n'est pas vraiment méchante et si j'adore que le cinéma m'offre le dilemme d'aimer des personnages détestables, je déteste en revanche lorsqu'il flingue la subversion et l'inconfort sur l'autel d'une certaine paresse morale.


Une suite semble déjà en préparation et peut être parviendra t'elle à rattraper les wagons d'une certaine cohérence entre la gentiment badass Cruella de ce film live et la véritable furie du dessin animé prête à tuer et dépecer des gentils chiots pour se faire un manteau. Et oui c'est tout le paradoxe de ce Cruella, de ce film live survendu comme l'œuvre au noir de Disney et qui finalement est plus sage et politiquement correct qu'un vieux dessin animé de 1961. A plus d'un titre Cruella est tristement victime de la mode.

freddyK
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le 4 juil. 2021

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